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Youssef Guerraoui Filali : « Le gouvernement doit entrer en négociation avec les entreprises en difficulté afin de mettre en place un plan de sauvetage »
La rentrée économique du gouvernement se déroule dans un contexte particulier marqué par la pandémie du coronavirus et son impact catastrophique sur l'économie nationale. Alors, de quelle marge de manœuvre dispose le gouvernement pour juguler la crise ? Youssef Guerraoui Filali, Président du Centre marocain de gouvernance et de management (CMGM) donne son avis et revient sur les priorités de l'Exécutif à l'aune de la crise actuelle. Challenge: A votre avis, quels sont les chantiers prioritaires de la rentrée économique pour le gouvernement à l'aune de l'impact de la situation sanitaire actuelle? Youssef Guerraoui Filali: La situation socio-économique actuelle est assez délicate. Nous avons dépassé le taux de chômage de 12%. La décroissance de l'économie nationale atteindra les -5% d'ici la fin de l'année. Le nombre de défaillance des entreprises avant 2019 qui frôlait les 10.000 évoluera, selon moi, pour atteindre les 20.000 défaillances, voire même 30.000 d'ici fin 2020. Maintenant, en ce qui concerne les priorités, je pense que le gouvernement doit tout d'abord relancer la machine économique. Cela dépendra des mesures sanitaires prises notamment il y a quelques semaines. Je parle surtout de la réouverture des villes fermées, et d'opérer une atténuation des de ces mesures parce qu'elles entravent aussi le fonctionnement des entreprises. Bien sûr, il faut garder un minimum de mesures pour éviter que les contaminations n'explosent davantage. L'atténuation est très importante parce que le secteur touristique et celui de l'événementiel sont directement impactés par ces mesures. Je pense que c'est l'une des premières actions qu'il faudra entreprendre pour permettre à ces secteurs de retrouver de l'activité. Ensuite, il y a la problématique du financement. Je pense qu'il faudra simplifier et surtout faciliter l'accès aux produits de relance (Damane Relance et Damane TPE notamment) mis en place en faveur des entreprises. Il faut savoir que malheureusement les TPE et certaines PME n'ont pas pu accéder à ces produits. Troisième point très important, au-delà du financement, l'entreprise a aussi besoin d'un marché dynamique, donc l'Etat doit réussir à soutenir le pouvoir d'achat des consommateurs pour que ces derniers puis acheter les produits et par conséquent soutenir les entreprises sur leurs marché. L'Etat doit d'ailleurs être le premier client des entreprises, et pour cela il faudra faciliter l'accès aux commandes publiques aux entreprises. Lire aussi|Cafés : la « taxe Covid » indigne les internautes Challenge: Concernant le pouvoir d'achat des consommateurs, sur quels leviers le gouvernement peut-il agir pour encourager la consommation à votre avis ? YGF: Le premier point selon mou était d'activer les augmentations du SMIG qui étaient prévues dans le cadre du dialogue social avec le patronat. Malheureusement, cela a été retardé et il impactera davantage le pouvoir d'achat des citoyens. L'autre point concerne la pression fiscale. La TVA sur l'ensemble des produits de consommation est facturée à 20%, le taux de l'IS est à 38%, donc assez élevé, tout ceci fait peser une pression fiscale énorme sur la classe moyenne. Et cela ne permet pas à ces gens d'avoir une petite marge de manœuvre pour pouvoir soutenir la consommation. Actuellement le pouvoir d'achat des citoyens est très impactés. Challenge: De nombreuses fédérations annoncent des milliers de licenciements dans les mois à venir à cause de la crise économique engendrée par la pandémie. Comment le gouvernement doit-il s'y prendre pour juguler cette situation ? YGF: La situation est critique. Pour la première fois au Maroc depuis deux décennies, nous avons eu à assister à un licenciement économique, notamment chez la Royal Air Maroc (RAM). Les entreprises sont vraiment en difficulté et il y en a beaucoup dans les mois prochains qui vont demander ce fameux licenciement économique. Face à cette situation, je pense que le gouvernement doit entrer en négociation avec les entreprises en difficulté afin de mettre en place un plan de sauvetage. Ceci permettra de sauvegarder des milliers de postes d'emplois au sein des entreprises dans plusieurs secteurs. Lire aussi|Stratégie : Renault dévoile un projet de réorganisation autour de ses quatre marques Challenge: Le PLF 2021 est déjà en cours d'élaboration. A votre avis, quelle devrait être la teneur de ce PLF qui intervient dans ce contexte particulier ? YGF: Le Projet de loi de finances 2021 devrait placer l'entreprise marocaine et le citoyen marocain au centre de toutes priorités. Cela veut dire qu'il faut alléger la pression fiscale sur les entreprises, offrir les conditions nécessaires aux entreprises pour faire fructifier leur chiffre d'affaires. Donc, il faut un peu plus d'investissement public, c'est-à-dire que le budget alloué à ce poste devrait être plus conséquent et plus ciblé, et orienté vers les PME et les TPE, parce que généralement ce sont les grandes entreprises qui en tirent profit. Je rappelle que les PME et la TPE représentent plus de 90% du tissu économique marocain. Deuxièmement, le PFL 21 doit réussir à alléger la pression fiscale sur la classe moyenne, car c'est cette classe sociale qui subit à chaque des augmentations d'impôt ou des baisses de salaire. L'Etat pourrait aussi encourager le secteur privé à faire une petite augmentation de salaire. Tout ceci encouragera une augmentation en termes de demande intérieure qui aura pour effet un rafraîchissement de l'économie nationale. Selon moi, ce sont les points cardinaux sur lesquels le gouvernement et le parlement doivent travailler dans le cadre du PLF21. 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