Placée il y a quelques mois sous surveillance négative par les deux oracles de la finance mondiale, S&P et Moody's, la note de la dette souveraine marocaine est à la veille d'une sentence cruciale. Le Maroc sera-t-il maintenu dans la catégorie Investment ou subira-t-il plutôt les affres d'une dégradation dans la catégorie spéculative à laquelle il a réussi à échapper depuis près d'une décennie ? Et que fait le gouvernement pour éviter une telle sanction aux conséquences potentielles loin d'être des plus anodines ? Dans une célèbre tribune, Thomas Friedman l'influent chroniqueur du New York Times, avait rangé les agences de notations parmi les superpuissances mondiales actuelles avant de poursuivre : « il n'est pas toujours facile de savoir lequel des deux a le plus de pouvoir» entre les «Etats-Unis qui peuvent vous détruire en vous envoyant des bombes », ou par exemple Moody's et Standard & Poors qui le peuvent également « en dégradant la note de vos obligations » ! C'est dire en effet que dans une économie de plus en plus « marchéisée » avec une désintermédiation financière (recours direct au marché financier pour se financer) allant crescendo, la mission des agences de notation devient incontournable. L'information émise par ces puissants acteurs dont les rapports de notation sont scrutés et attendus par l'ensemble de la communauté financière, autant que le furent les oracles de la pythie de Delphes dans l'antiquité, est plus que nécessaire pour la fixation du taux d'intérêt sur le marché des obligations souveraines et autres titres de dette privée. Ce rôle clef de réduction de l'asymétrie d'information entre émetteurs et investisseurs que jouent les agences de notation, est aujourd'hui d'autant plus décisif que le durcissement de la régulation et de la réglementation chez les principaux institutionnels financiers, notamment Bâle III pour les banques et Solvency II pour les assureurs, crée une forte dichotomie au sein de l'univers d'investissement entre pays « sûrs » (qui jouissent du titre « Investment Grade ») et pays risqués (rangés dans la catégorie « Speculative Grade »), laquelle devient un élément plus décisif que la notation elle-même. Une dichotomie que le Maroc risque fort bien d'expérimenter à ses dépens si sa note venait à baisser du moindre cran. Pourquoi donc et avec quelles conséquences macro-économiques et retombées micro-économiques ? Et que fait le gouvernement marocain pour éviter un tel scénario ? Avant de répondre à ces questions, il est de bon aloi de rappeler que le marché mondial de la notation est dominé à plus de 90% par les « big three », toutes de nationalités américaines et qui sont par ordre d'importance Standard & Poor's (S&P), Moody's et Fitch Rating (passée elle aussi sous pavillon américain en décembre 2014 après avoir été pendant de longues décennies à capitaux français). Avec des échelles de notation assez proches (même similaires pour S&P et Fitch) et allant decrescendo des meilleurs élèves parmi les émetteurs dont la probabilité de défaut est quasi-nulle (Voir Tableau de Notations ci-après) aux plus mauvais de la classe qui ne sont qu'à quelques encablures de la case du Défaut (situation où une entreprise, un individu ou un Etat ne parvient plus à payer l'intérêt contractuel ou le capital de départ de leurs obligations de dettes), ces trois mastodontes finissent toujours par converger dans leurs appréciations du risque de solvabilité d'un émetteur. Et c'est ce qui est arrivé il y a quelques mois quand la filiale du groupe McGraw-Hill et Moody's ont placé, coup après coup, la note du Maroc sous perspective négative… A lire la suite dans Challenge N° 690, en kiosque à partir de ce vendredi.