Rarement un sommet de l'Union africaine (UA) aura autant focalisé l'attention. Réunis à Addis-Abeba (Ethiopie), au siège de l'organisation, lundi 30 et mardi 31 janvier, les chefs d'Etat du continent vont devoir se prononcer sur plusieurs sujets-clés pour le futur de l'institution panafricaine : le retour du Maroc, trente-trois ans après que le royaume chérifien en a claqué la porte, la succession de la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma à la tête de la commission de l'UA, son principal organe, et la réforme de l'institution, régulièrement accusée d'inefficacité. Si les chefs d'Etat ne sont attendus que lundi, les ministres des affaires étrangères se sont activés dès cette semaine en coulisses, autour d'une question : le Maroc fera-t-il son grand retour au sein de l'UA ? « Mathématiquement, ce retour ne semble pas poser problème, mais le sujet est tellement sensible qu'on est en Terra incognita », souligne un observateur averti de l'organisation. En juillet 2016, le Maroc avait fait part de son intention de rejoindre l'UA, que le pays a quittée en 1984 pour protester contre l'admission de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), avec laquelle il est en conflit pour le contrôle du Sahara occidental. Vingt-huit pays s'y étaient alors dits favorables. En septembre, la demande d'adhésion officielle a été transmise à la commission de l'UA qui doit l'envoyer à son tour à chacun des 54 Etats membres afin qu'ils se prononcent sur la requête. « C'est ce qui s'est passé en 2011 lorsque le Soudan du Sud a demandé à rejoindre l'UA. Une fois la barre des 28 réponses positives franchie, la commission a annoncé que Juba était membre », rappelle le même observateur. Cette fois, les choses s'annoncent plus compliquées. Nervosité L'adhésion du Maroc pose, en filigrane, la question du conflit au Sahara occidental et de la rivalité avec l'Algérie. Si officiellement Rabat n'a pas posé de condition à son retour, son objectif serait de réintégrer l'UA et de travailler depuis l'intérieur à l'exclusion de la RASD. Pour l'Algérie, soutien historique aux indépendantistes sahraouis, et pour l'Afrique du Sud, anticolonialiste, il en est hors de question. Les statuts de l'organisation ne le permettent d'ailleurs pas. « Le Maroc est bienvenu au sein de l'UA » dès lors qu'il se considère « égal en droits et en devoirs avec les 54 membres actuels », a déclaré vendredi le ministre algérien des affaires étrangères, Ramtane Lamamra, sur les ondes de RFI. La discussion entre chefs d'Etat sur ce sujet est prévue lundi matin, à huis clos. Et, si le Maroc est admis, acceptera-t-il de siéger aux côtés de la RASD ? Autre motif de nervosité : l'Algérie, membre puissant de l'organisation panafricaine – elle dirige depuis seize ans l'importante commission paix et sécurité de l'UA –, n'a pas l'habitude de se voir contestée au sein de l'institution et va devoir traiter avec son rival historique. Le sujet a même fini par rattraper l'autre grande inconnue de ce sommet : qui prendra la tête de la commission de l'UA après Mme Dlamini-Zuma, dont le bilan est jugé négatif ? Parmi les cinq candidats en lice, le Sénégalais Abdoulaye Bathily pourrait pâtir de la proximité entre Dakar et Rabat, le Tchadien Moussa Faki Mahamat pourrait être soutenu par Alger. La fébrilité ambiante pèse en tout cas sur le sommet. Face aux crises politiques et sécuritaires du continent – au Sahel, en République démocratique du Congo, au Soudan du Sud notamment –, les participants attendent le projet de réforme de l'organisation que doit présenter l'équipe d'experts dirigée par le président rwandais, Paul Kagamé : comment l'UA peut-elle se financer ? Comment rendre ses organes moins bureaucratiques et plus efficaces ? Comment augmenter la capacité de l'organisation à faire face aux crises du continent ? Autant de questions auxquelles la précédente commission de l'UA n'a pas su répondre.