Le président gambien sortant Yahya Jammeh a annoncé samedi qu'il allait quitter le pouvoir, cédant la pression des pays d'Afrique de l'Ouest qui menaçaient d'intervenir militairement pour permettre à son adversaire Adama Barrow de prendre la présidence. «J'ai décidé aujourd'hui en bonne conscience d'abandonner la responsabilité de la direction de ce grand pays», a-t-il déclaré à la télévision d'Etat. «À tous ceux qui m'ont soutenu ou qui se sont opposés à moi au cours de cette période, je demande de mettre l'intérêt suprême de notre nation, la Gambie, au-dessus des intérêts partisans et d'œuvrer ensemble», a-t-il dit. Auparavant, les présidents mauritanien et guinéen ont obtenu son accord de principe pour qu'il quitte la Gambie. La pression n'avait cessé de s'accroître ses derniers jours sur celui qui était, depuis 1994, le maître impitoyable et imprévisible de ce petit pays de deux millions d'habitants, enclavé dans le Sénégal. Vendredi, une figure clé, le patron de l'armée, le général Ousmane Badjie a annoncé qu'il soutiendrait le nouveau président en le reconnaissant comme commandant en chef des 2500 militaires de l'armée gambienne. Un autre «message» clair était intervenu jeudi, lorsque les troupes sénégalaises ont pénétré sur le territoire gambien pour signifier à son ancien homme fort qu'il était plus que temps de «quitter». L'opération, baptisée «Restaurer la démocratie» a été menée sous la houlette de la communauté des quinze Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) – à laquelle appartient la Gambie. Le Nigeria, le Ghana, le Mali et le Togo ont également été associés à cette intervention qui a été lancée quelques heures après que le président gambien élu, l'homme d'affaires Adama Borrow, eut prêté serment à l'ambassade de Gambie à Dakar, où il se trouve depuis dimanche dernier. Vendredi, les tractations allaient bon train pour ménager à Yahya Jammeh une porte de sortie. L'ultimatum qui lui a été signifié la veille par la Cédéao, le menaçant d'une poursuite des hostilités militaires, avait expiré à midi. Malgré cela, les voisins de la Gambie ont décidé de se donner du temps supplémentaire pour tenter une dernière médiation. Deux dirigeants chevronnés, le Mauritanien Mohammed Ould Abdel Aziz et le Guinéen Alpha Condé, s'y sont attelés dès leur arrivée à Banjul, la capitale gambienne, dans l'après-midi de vendredi. Dans leurs premières déclarations, les deux présidents s'étaient dits optimistes sur une «solution politique». Plusieurs options étaient discutées, notamment un exil de Yahya Jammeh dans son village natal avec sa garde prétorienne. Une éventualité qu'aurait rejetée le président élu, craignant qu'elle ne maintienne au-dessus de sa tête une épée de Damoclès, le despote étant connu pour être à la fois madré et persévérant. Autre piste d'exil, le Maroc. La première dame, Zineb Jammeh, est de mère marocaine et de père guinéen, et Rabat s'est aussi impliqué dans la recherche d'une solution. D'autres possibles pays d'accueil ont également été cités, parmi lesquels la Mauritanie et le Qatar.