Aucun navire en provenance de Russie ou d'Ukraine n'a accosté au Maroc depuis le début de l'année, selon la Fédération nationale des négociants en céréales et légumineuses (FNCL). En cause, les restrictions informelles imposées par Moscou et la réticence des banques à financer des cargaisons issues de la mer Noire, en raison des risques liés au conflit en Ukraine. Face à la volatilité du marché du blé en mer Noire, les acheteurs marocains ajustent leur stratégie d'approvisionnement, privilégiant des origines européennes et baltes alors que l'offre russe peine à trouver preneur. Les prix du blé russe à 12,5 % de protéines, après avoir culminé à 254 dollars la tonne franco à bord (FOB) la semaine passée, ont fléchi à 248 dollars le 5 mars pour des chargements en avril. Une baisse de 2,36 % qui traduit l'attentisme des acheteurs, convaincus d'un repli plus marqué d'ici le printemps. Explosion des coûts Le graphique fourni par S&P Global, une entreprise américaine basée à New York spécialisée dans l'information et l'analyse financière, illustre l'évolution des prix du blé en mer Noire sous l'effet d'une demande atone, mettant en lumière les tensions persistantes sur le marché céréalier. Selon les données, dès le début de l'année, les prix ont suivi une trajectoire ascendante, portée par des anticipations de rareté et des coûts logistiques élevés. Toutefois, à mesure que les acheteurs adoptent une posture attentiste, convaincus d'un prochain repli des cours, la tendance haussière s'est essoufflée. Les prix du blé russe à 12,5 % de protéines (ligne violette) dominent les autres origines, reflétant à la fois les coûts internes croissants et l'influence des régulations imposées par Moscou. Après un pic dépassant les 250 dollars la tonne, une inflexion récente témoigne de la difficulté des exportateurs à soutenir ces niveaux face à une demande plus sélective. Le blé de la région Constanta-Varna-Burgas (CVB) à 12,5 % (ligne orange), historiquement plus cher que son homologue russe, a suivi une évolution similaire avant d'amorcer un repli marqué. Ce mouvement traduit une érosion des marges à l'export, exacerbée par des coûts d'acquisition élevés qui dépassent parfois les prix FOB. Le blé ukrainien à 11,5 % (ligne rose), demeurant en retrait tout au long de la période, incarne la fragilité de l'offre du pays, confronté aux aléas du conflit et à des défis logistiques persistants. Sa stabilité relative contraste avec la volatilité observée sur les autres origines. Quant au blé CVB à 11,5 % (ligne bleue), sa baisse notable depuis la mi-février illustre un affaiblissement plus général des perspectives de la région. Liée aux fluctuations des contrats à terme européens (MATIF), cette tendance reflète une meilleure anticipation des récoltes et un certain relâchement des tensions sur les disponibilités mondiales. En somme, ce graphique traduit une recomposition progressive des rapports de force au sein du marché du blé en mer Noire, où les vendeurs peinent à imposer leurs prix face à des acheteurs prudents, préférant temporiser en attendant des conditions plus avantageuses. Le Maroc évolue dans la stabilité Le Maroc maintient un niveau d'importations stable depuis le port de Constanta entre janvier et février 2024 et 2025, sans progression marquée ni recul significatif. Cette constance traduit une demande soutenue, dans un marché où les acheteurs arbitrent entre plusieurs origines en fonction des conditions économiques et logistiques. Comparé à d'autres destinations comme l'Arabie saoudite ou le Pakistan, qui affichent des variations plus nettes, le Maroc semble adopter une approche prudente, ajustant ses volumes sans rupture brutale. Cette relative stabilité témoigne d'une intégration consolidée du blé roumain et bulgare dans les approvisionnements marocains, au détriment des flux en provenance de Russie et d'Ukraine. L'évolution des importations marocaines repose sur plusieurs facteurs, notamment la production nationale, les conditions climatiques et la compétitivité des prix sur le marché international. La prudence des acheteurs face aux fluctuations des cours mondiaux les pousse à privilégier les offres les plus attractives, renforçant le rôle des céréales européennes dans l'approvisionnement du royaume. Si les tensions sur le marché de la mer Noire persistent et que la production marocaine reste contrainte par des conditions météorologiques incertaines, le port de Constanta pourrait voir son importance croître encore davantage dans les prochains mois. L'attrition des marges à l'export, amplifiée par la hausse des coûts locaux, freine les ventes russes. De nombreux agriculteurs, réticents à céder leur récolte aux prix actuels, préfèrent stocker en attendant la nouvelle campagne. Pour les exportateurs ne disposant pas d'opérations intégrées, le seuil de rentabilité se situe autour de 255 dollars la tonne, voire 260 dollars selon certains acteurs basés aux Emirats arabes unis. Dans ce contexte, le Maroc a intensifié ses achats en provenance de la Baltique et du bassin danubien. Entre janvier et février, les importations marocaines de blé tendre ont atteint 235 500 tonnes depuis la Lettonie et la Lituanie, et 239 800 tonnes depuis la Bulgarie et la Roumanie. À l'inverse, la France, traditionnel fournisseur du royaume, n'a expédié que 43 740 tonnes sur la période, pénalisée par une récolte réduite et des prix peu compétitifs. L'Allemagne, de son côté, a acheminé 49 288 tonnes vers les ports marocains. L'offre russe, traditionnellement dominante sur le marché nord-africain, reste limitée. Aucun navire en provenance de Russie ou d'Ukraine n'a accosté au Maroc depuis le début de l'année, selon la Fédération nationale des négociants en céréales et légumineuses. En cause, les restrictions informelles imposées par Moscou et la réticence des banques à financer des cargaisons issues de la mer Noire, en raison des risques liés au conflit en Ukraine. Les exportateurs russes, confrontés à un ralentissement des chargements, tentent d'écouler leurs stocks à prix réduit sur certains marchés. En janvier et février, l'Egypte a importé 1,74 million de tonnes de blé russe, assorties de 343 000 tonnes ukrainiennes et 145 000 tonnes d'origine roumaine et bulgare. Mais avec des coûts d'expédition de 14 dollars la tonne, la compétitivité de l'offre russe s'effrite face aux blés européens, dont le prix FOB s'est ajusté ces dernières semaines. Le marché reste suspendu à l'évolution des récoltes en Europe et en Amérique du Nord, tandis que la faiblesse des contrats à terme sur le blé européen (MATIF) traduit le recul des tensions sur les disponibilités mondiales. Pour le Maroc, cette recomposition des flux offre des possibilités face aux incertitudes entourant le blé russe, tout en maintenant une vigilance accrue sur les coûts et la qualité des cargaisons.