Dans sa première déclaration officielle sur l'annulation des marchés publics relatifs au dossier du «patient partagé», amorcés sous le mandat de son prédécesseur Khalid Aït Taleb, Amine Tahraoui, ministre de la santé et de la protection sociale, a expliqué que cette décision «tend à éviter tout gaspillage de fonds publics.» Selon ses propos, «la responsabilité inhérente à sa fonction lui interdit de valider, en une semaine, un marché d'une telle envergure.» Lors de la séance plénière de questions orales à la Chambre des représentants, le ministre a affirmé que «suspendre ces marchés (30/2024DPAG/SG/) s'imposait, car je ne peux, en tant que responsable, signer en l'espace d'une semaine un contrat de 180 millions de dirhams sans connaître précisément ses finalités ni sa destination.» Polémique sur l'annulation du marché Répondant à une question du député Mostafa El Ibrahimi, membre du groupe parlementaire du Parti de la justice et du développement (PJD), sur les controverses entourant cette annulation, M. Tahraoui a précisé «qu'une analyse technique approfondie de tous les marchés publics sera entreprise afin de garantir une gestion rigoureuse et éclairée.» De son côté, M. El Ibrahimi a rappelé que le ministère avait pris, depuis novembre, «des décisions de gel et d'annulation de marchés, notamment celui concernant le dossier du patient partagé.» Le député a également évoqué des rumeurs selon lesquelles «le cahier des charges aurait été modifié pour privilégier certaines entreprises.» Abdellah Bouanou, président du groupe parlementaire du PJD, a accusé le ministre «d'annuler ce marché dans l'objectif de collaborer avec une entreprise américaine, en partenariat avec le secteur privé et de confier les données des citoyens marocains à des entités étrangères, américaines et israéliennes.» M. Bouanou a, également, dénoncé l'oubli, par le ministre, «de l'importance de la numérisation des services de santé pour simplifier les démarches des patients sur tout le territoire national.» Bilan et projets en cours Parallèlement, le ministre a présenté le bilan des efforts entrepris pour réformer le système de santé. Il a souligné que «le nombre d'hôpitaux rénovés ou agrandis en 2023-2024 avait doublé, portant la capacité à plus de 1 100 lits supplémentaires.» Parmi ces réalisations figurent la construction et la réhabilitation de 78 établissements hospitaliers, incluant des centres hospitaliers universitaires (CHU), régionaux et provinciaux, ainsi que des hôpitaux de proximité, pour un investissement global de 42 milliards de dirhams. Ces initiatives devraient ajouter 11 468 lits au système de santé marocain. M. Tahraoui a également détaillé la construction de cinq nouveaux CHU et de 38 hôpitaux régionaux et provinciaux, représentant une capacité totale de 5 570 lits, ainsi que de 40 hôpitaux de proximité offrant 1 857 lits supplémentaires. En outre, cinq CHU sont actuellement en cours de réalisation à Agadir, Laâyoune, Guelmim, Errachidia et un autre site. Les défis du secteur de la santé Malgré ces efforts, le système de santé marocain reste confronté à de multiples défis. Ismaïl Benbi, membre du groupe istiqlalien à la Chambre des représentants, a dénoncé des carences persistantes : «pénurie de personnel, formation insuffisante des médecins et infirmiers, coûts élevés des médicaments, infrastructures inadéquates et profondes disparités territoriales, touchant même les grandes villes.» M. Benbi a notamment plaidé «pour une modernisation de l'hôpital de Chichak à Aïn Chock afin qu'il devienne véritablement pluridisciplinaire ainsi que pour un renforcement des services des urgences et une accélération des travaux d'agrandissement de l'hôpital de Sidi Maârouf.» De son côté, Iman Lamawi, députée du groupe Authenticité et modernité (PAM), a critiqué les disparités régionales dans l'offre de soins. Elle a notamment relevé que l'hôpital Sidi Hssain à Drâa-Tafilalet manquait de nombreuses spécialités médicales, obligeant les patients à se rendre à Marrakech ou dans des cliniques privées. Rôle du secteur privé Interrogé par le groupe du PPS sur la place du secteur privé dans le système de santé, le ministre a défendu la nécessité d'un partenariat équilibré entre le public et le privé. Il a annoncé la mise en place d'un mécanisme spécifique pour encadrer cette coopération, avec un contrôle assuré par l'autorité gouvernementale en charge de la santé et la Haute-autorité nationale de la santé. Cependant, Rachid Hamouni, chef du groupe parlementaire du PPS, a exprimé son mécontentement face à une répartition inéquitable de l'offre de soins entre le secteur public et privé. Il a mis en cause «l'absence de contrôle effectif par la Haute Autorité de la santé, dont les textes réglementaires n'ont toujours pas été adoptés, malgré l'expiration du délai de six mois prévu par la loi.»