Le 12 février 1976, l'armée marocaine contrôlait totalement la localité de Mahbès, située à une soixantaine de kilomètres de la frontière algérienne. Objectif : empêcher le Polisario de faire de cette bourgade «sa capitale». Le président algérien, remonté, déclare que son pays était «dans une étape de combat» avant de demander au Maroc de «suspendre tous les vols des compagnies exploitantes marocaines à destination du territoire algérien.» L'histoire, farceuse, se répète. La guerre du Sahara, entre «le Maroc et l'Algérie par Polisario interposé» pour reprendre la célèbre expression des commentateurs chérifiens, a toujours concerné la localité du Mahbès. Fin octobre 1974, un acte de sabotage interrompt le fonctionnement de la bande transporteuse des phosphates entre Boucrâa et Laâyoune. À Rabat, il ne fait plus aucun doute que le Polisario met Madrid à l'épreuve. Fin mai 1975, la milice séparatiste attaque à la roquette des postes espagnols au Sahara, faisant plusieurs morts, en plus de revendiquer des attentats à la bombe près de la Mauritanie. Quelques mois avant la Marche-Verte, le 8 juin 1975, un détachement de l'armée marocaine, «quatre compagnies du septième bataillon méhariste» occupent le poste de Mahbès et trois autres points au Sahara. L'Espagne est en alerte, le roi Hassan II lui reproche de laisser sa libre allure à ce «mouvement que Sa Majesté ne veut pas nommer.» En 1976, la prise d'Amgala après la défaite du convoi de ravitaillement algérien et son escorte militaire pousse les FAR à se focaliser sur la localité de Mahbès, près de la frontière algérienne où se concentre le Polisario. Les colonels Ben Othman, El Ouali, Housini Bendimane et Farid Chraïbi préparent la suite des combats, tandis que le monarque chérifien examinent les plans destinés à sécuriser les points forts du sud, Dakhla, Guelta-Zemmour, le cap Boujdour, et ceux du triangle utile -Laâyoune, Smara et Boucraâ, – et d'y imposer sa marque. Dès fin novembre 1975, des troupes marocaines ont investi le Sahara par trois points en vue d'atteindre Mahbès pour couper les liaisons du Front Polisario avec l'Algérie. Une opération qui a impliqué des bataillons d'infanterie, des unités blindées, des parachutistes, des unités d'artillerie, des hélicoptères et des aéronefs de reconnaissance. Le 11 février 1976, Alger annonce «l'échec des efforts de médiation des pays arabes et africains à propos du Sahara», des négociations qu'il a capotées. Le Maroc ne perd pas de temps, l'armée se dirige vers Mahbès et y installe des petites unités militaires qui détruisent les camps établis dans des zones contrôlées temporairement par le Polisario. En 1979, l'armée marocaine s'empare du Mahbès après une brève incursion du Polisario. Le 20 décembre de la même année, devant l'avancée du quatrième mur marocain, cette localité stratégique, située à 80 kilomètres de Tindouf et à 30 kilomètres de la frontière algérienne, est devenue concernée par la nouvelle ligne de défense des FAR. Cette quatrième ligne longe la frontière algérienne à quelque vingt kilomètres selon le commandant de la zone militaire du Sud, le colonel-major Abdelaziz Bennani. Longue d'environ 400 kilomètres, cette nouvelle ligne s'étend à une cinquantaine de kilomètres à l'ouest de Tindouf où se trouvent les bases algériennes du Front Polisario. Elle met en sécurité, d'après Rabat, quelque 17 000 km carrés supplémentaires de territoire du Sahara, dont les régions de Zag, Mahbès, El Farsya et Lemcayteb, mais elle exclut les localités de Bir Lahlou, Aïn Bentelli et Tifariti. Mahbès contrôlée signifie que les forces du Polisario ne pourront plus s'infiltrer au Sahara depuis le territoire algérien mais aussi, (surtout), réduire le risque d'une conflagration générale avec le régime de Chadli Benjdid. En ce moment, les Etats-Unis ont décidé de renforcer les livraisons d'armes au Maroc, alors que l'armée chérifienne s'est emparée du Tiris El Gharbia, après le retrait mauritanien, afin d'empêcher l'installation d'une administration provisoire du Polisario dans cette partie du Sahara. Le sud de l'oued Draa où sont situées les bases d'observation et d'approvisionnement des troupes marocaines, est ciblé, mais sans succès. La France, elle, a décidé d'expédier une unité militaire française de cent-cinquante hommes à Nouadhibou. Depuis 1978, l'état-major marocain obtient l'assistance d'officiers français de haut rang pour entraîner l'armée marocaine à la lutte antiguérilla, en plus de former les pilotes marocains des Mirages qui interviennent contre les milices séparatistes. Le Polisario ose désormais des attaques frontales avec des blindés, en raison de la proximité de l'Algérie d'où il part et où il se replie. Depuis 1980, les militaires responsables des sous-secteurs de Mahbès et de Farsia repoussent les attaques séparatistes, fortes des chars soviétiques modèle T-55 qui tirent au canon. Légèrement préparées, accomplies dans les conditions les plus ingrates, compromises par l'impéritie d'auxiliaires plus bruyants qu'efficaces, assombries par l'acte de désespoir de guides sans vision, poursuivies jusqu'au bout sous les rigueurs d'un armée marocaine aguerrie, les attaques du Polisario aux tragiques péripéties ont eu tout contre elles. Le front n'était ni une armée régulière, ni un corps militaire, mais un singulier assemblage de forces incohérentes, quelques bataillons sacrifiés, composés d'hommes choisis par l'Algérie. Après une ultime attaque en 1988 repoussée par les FAR, Rabat sanctuarise Mahbès, devenue en 2024 une ville-modèle dans les provinces sahariennes.