À la croisée des chemins, l'Afrique du Sud est suspendue aux tractations pour la formation d'un gouvernement d'union nationale par l'ANC, dont le revers historique aux législatives a ouvert la porte à des lendemains incertains. Une semaine après la proclamation des résultats des élections législatives, le Congrès national africain (ANC) ne semble pas être en mesure de gérer l'impasse politique dans le pays, confronté par ailleurs à une profonde crise économique et sociale. Les scénarios de coalition évoqués augurent d'une implosion du parti au pouvoir depuis 1994. Les divergences idéologiques entre ses différents courants sont en train d'éclater au grand jour, trahissant la fragilité de l'unité de façade maintenue uniquement grâce aux victoires électorales des trente dernières années. À rappeler que le parti de Nelson Mandela a toujours obtenu la majorité absolue. Exaspérés par les affaires de corruption et le peu de cas porté à leurs préoccupations, les Sud-Africains l'ont sévèrement sanctionné au dernier scrutin. Loin des 230 sièges au Parlement sortant, l'ANC, crédité à peine de plus de 40% des suffrages, ne comptera que 159 députés sur 400 à la prochaine assemblée. Pour la première fois de son histoire, le parti se trouve dans le besoin d'une coalition pour pouvoir gouverner. «L'ANC reconnaît que nous nous trouvons à un moment clé dans la vie de notre nation (...) Nous devons agir rapidement pour sauvegarder l'unité nationale, la paix, la stabilité, une croissance économique inclusive, le non-racisme et le non-sexisme", a souligné le président Cyril Ramaphosa, dans son invitation à former un cabinet d'unité nationale. Pourparlers à base de marchandages ? Jusque-là, seul un parti libéral a répondu favorablement à cet appel. Il s'agit l'Alliance démocratique (DA), premier parti d'opposition avec 87 députés. Cependant, les faucons de l'ANC affichent leur veto pour une alliance sans négociation des enjeux. Les récalcitrants devront compliquer la tâche de Ramaphosa. Les spécialistes s'accordent à dire qu'une entente avec les libéraux est la seule voie pour rassurer les investisseurs et éviter la fuite des capitaux. La DA s'est déclarée disposée à trouver des compromis sur les questions conflictuelles, comme sa proposition d'abandonner le salaire minimum et les politiques de discriminations positives. Les libéraux refusent, en revanche toute concession sur la possible entrée au gouvernement de l'EFF (Combattants de la liberté), une formation de gauche radicale conduite par Julius Malema, un transfuge de l'ANC opposé, lui aussi, à tout rapprochement avec «les représentants du système colonial blanc et de l'apartheid», en allusion à l'Alliance démocratique. Aujourd'hui, l'ANC paie les frais de ses propres errements politiques et diplomatiques. Il a dilapidé la richesse du pays et ses grandes potentialités sur des causes perdues et absurdes, au détriment de la population sud-africaine.