La presse française, fureteuse, n'aime rien tant que les petites histoires au sujet du roi du Maroc. Pour les soixante ans du monarque, le quotidien français «Libération» a outrageusement pillé plus des trois quarts d'un article, très contesté, d'un prestigieux hebdomadaire britannique. Ce qui est bien plus grave, c'est qu'il n'a pas beaucoup moins emprunté à la partie esthétique qu'à la partie «informative» du papier de The Economist. En sorte que beaucoup d'idées servies ont pour caractère essentiel d'être rebattues. Quand bien même la journaliste cite The Economist, et se réfère à un vieux livre d'Omar Brouksy, il n'en demeure pas moins qu'elle fait du plagiat au grand jour et fait preuve d'une paresse indigne du grand Libé. La journaliste Léa Masseguin de «Libération» a eu beaucoup de peine à écrire son «papier» sur le roi Mohammed VI. Le 21 août, le roi du Maroc qui «fêtera le passage à sa soixantième année dans l'intimité, peut-être entouré de ses deux familles (sic!)». Premier couac qui jalonne une prose verbeuse, mais peu solide : Mme Massenguin a picoré dans des articles peu crédibles, poussant l'application jusqu'à recopier les mêmes références éculées. Que restera-t-il du papier de «Libé», à ce compte ? quelques mots sur les «sulfureux» trois frères Azaitar, et leur «passé délictuel», notamment le fait qu'ils aient connu «la case prison après avoir brutalement agressé et menacé de mort un homme d'affaires» en plus «des violences à répétition» qui entachent durablement leur réputation. Rabâchage habituel Ce brigandage journalistique décevant cite, par exemple, Ignacio Cembrero, journaliste déchu devenu, non pas «la bête noire de Rabat», comme l'écrit pompeusement «Libé», mais un obsédé blasphémateur des institutions marocaines. Que «Libé» ait suppléé à l'insuffisance de son information par une multitude d'emprunts et de témoignages à différents auteurs peu fiables, voilà qui est déplaisant. Que le même journal se réfère aux propos d'un Omar Brouksy peu recommandable, c'est un procédé habituel qui intrigue. «Libé» a volé son confrère britannique. Certains paragraphes se ressemblent étrangement ; et en effet, comparaison faite, les emprunts apparaissent, indéniables. Il n'est pas jusqu'à des phrases entières, des points de vue, des traits, qu'il ne fasse passer sans vergogne dans sa prose. Exemple flagrant : «La révélation de cette proximité, couplée aux critiques autour de ses multiples voyages à l'étranger, a récemment contraint (sic !) Mohammed VI à revenir sur le devant de la scène médiatique», une phrase ridicule dont l'authenticité est nulle, reproduite par un journal qui n'est pas résolument critique et passe trop vite sur la recherche des sources. Les attaques contre le bilan du monarque sont vieillottes, usées, sinon périmées. L'essentiel était de procurer aux lecteurs des moments d'illusion, qui leur feront oublier les acquis, les défis surmontés et toutes les réalités. L'article de «Libé» obéit doucement à la loi du moindre effort, suivant laquelle il reproduit les pires clichés sur la réalité marocaine, exemple : «Dans le royaume chérifien, l'image du roi est omniprésente. Ses portraits ornent les lieux de pouvoir, les salles de classe, et même les billets de banque. Pourtant, vingt-quatre années après le début de son règne, le mystère qui entoure ce personnage énigmatique reste entier». Peut-on éblouir les lecteurs par le feu d'artifice de ces pâles lieux communs ? Le reste du papier n'est guère plus original, il suit les routes trop faciles qui descendent, sans prendre les routes pénibles qui montent. Les mêmes marottes y règnent : la vie privée du monarque, ses enfants, le passage au collège royal, ses camarades de classe (là, la journaliste de «Libé» puise chez l'ancien ancien journaliste au Monde, Jean-Pierre Tuquoi) avant de citer les journalistes «prédateurs» Catherine Graciet et Eric Laurent, condamnés pour chantage. Ambiance suffocante ! Comble de la paresse, Léa Masseguin, en plus de faire du réchauffé, sert à ses lecteurs des informations erronées puisées sans les vérifier de chez The Economist. Ainsi, éructe-elle, les Azaitar ont enterré leur mère dans l'enceinte du palais royal de Tanger!!! D'abord, les Azaitar ont enterré leur grand-mère et pas leur mère. Ensuite c'était dans un vieux cimetière fermé et non au palais royal. Quant à Ignacio Cembrero, il n'est pas la bête noire du Maroc. Il rentre au quand il veut et il porte même un prénom marocain, Abdelhaq, et a adopté une petite fille marocaine. Amnésie sélective La presse française marche toujours à tâtons dans les parages des réussites marocaines. Bien peu de chose sur le rayonnement diplomatique du Maroc et presque rien sur les succès engrangés relatifs à l'affaire du Sahara. Quant à la nouvelle philosophie politique royale proprement dit, il n'en est pour ainsi dire pas question. Sur la crise avec la France, le silence est complet. Sur ce sujet, le témoignage alarmant des milieux parisiens, quelque éclatant qu'il soit, l'affirmation des politiques, quelque autorisée qu'elle puisse être, les documents authentiques eux-mêmes, malgré leur importance, tout cela n'est rien quand il s'agît de s'attarder sur des anecdotes risibles sans aucune ampleur. Ajoutons cette empressement d'en finir, et cette manie d'enfler ses approximations, au point que d'écrire un bon papier sur le Maroc est devenu une occupation servile. Comme si la consigne est la même partout : hâtons-nous, remplissons cette page et puis cette autre ; demandons le concours de quelques voix complaisantes, le Cembrero, ou le Brouksy qui aideront bien à bâtir un chapitre, même cloaque. L'œuvre pour les gens sincères est à l'origine, tout plaisir ; elle se transforme en corvée, chemin faisant, quand elle est confiée aux malhonnêtes. Cette fois elle est finie, bon débarras ; recommençons à penser, à étudier les hommes, les faits et les vérités, sans parti pris. Pendant ce temps, le roi Mohammed VI travaille pour un Maroc meilleur.