Les raisons du mutisme d'Alger face à la main tendue du Maroc. * Le monde prend acte: c'est l'Algérie qui refuse de négocier. * Pour Alger, le Maroc n'est ni un voisin ni un pays frère. * Alger est dans le déni*. Les responsables algériens ont eu l'occasion de répondre à la main tendue du Maroc, mais ils ont choisi de garder le silence. Le président algérien, lors de sa récente rencontre avec la presse, aurait pu, simple courtoisie, dire un mot, même vague. Non, le pouvoir algérien a choisi, encore une fois, d'ignorer le geste marocain. Aucun parmi les journalistes présents n'a songé à demander à son président les raisons de ce mutisme. Paradoxalement, et c'est tout à l'honneur du Maroc, c'est l'agressé qui cherche l'apaisement tandis que l'agresseur fait la moue. Si le président algérien était vraiment un homme épris de paix, comme il l'affirme et répète à tout bout de champ, il aurait saisi l'occasion au vol. En vérité le geste marocain met les dirigeants algériens dans l'embarras, car il met à mal les allégations algériennes officielles qui veulent faire croire que le Maroc est un «voisin du mal». Les objectifs, évidemment inavouables, du régime algérien sont manifestement autres et il n'est pas dans son intérêt de « retourner à la normale » avec son voisin de l'ouest. Par « retour à la normale », il faut entendre, au minimum, le statu quo ante, autrement dit la situation qui prévalait avant la rupture des relations diplomatiques et la batterie de mesures injustifiées qui ont été prises par Alger à l'encontre du Maroc. L'arrêt des déclarations anti marocaines par les hauts responsables et la cessation de la campagne menée par les médias officiels de l'Etat algérien contre le Maroc seraient un signe de bonne volonté. La « question du Sahara » étant par ailleurs prise en charge par l'ONU, l'Algérie, nonobstant la position anti marocaine qu'elle a sur ce dossier, devrait pouvoir modérer son activisme débridé et laisser l'Envoyé personnel De Mistura mener à bien sa mission. La « normalisation » que le Maroc appelle de ses vœux n'arrange manifestement pas les affaires du régime algérien qui, faute d'une issue au différend sur le Sahara selon ses conditions et exigences, préfère entretenir la tension permanente avec le Maroc, ce qui lui permet d'invoquer à loisir ses théories du complot extérieur et de l'encerclement. Après le discours du trône, une évidence s'impose, et le monde en prend acte: c'est l'Algérie qui refuse de négocier. Il est rare de tendre la main à un voisin incommode, agressif et vindicatif. Dans un tel cas, les individus comme les Etats ont généralement tendance soit à rendre la pareille soit à accepter le fait accompli et à céder. Le Maroc, dans ses relations tumultueuses avec l'Algérie a opté pour une voie originale, mélange bien dosé de sagesse, d'indifférence et de fermeté. C'est que les rois du Maroc réfléchissent sur le long terme et ont une vision qui transcende les vicissitudes et les turbulences conjoncturelles. Quatre étapes historiques me semblent former le socle sur lequel est solidement ancrée la vision royale concernant le Sahara marocain: * En 2006, à Laayoune, Sa Majesté Mohammed VI a déclaré: « Nous ne céderons pas un seul pouce, ni un grain de sable, de notre cher Sahara » * En 2014, le Souverain, dans le discours du 6 novembre, a indiqué : «L'Initiative d'autonomie est le maximum que le Maroc puisse offrir dans le cadre de la négociation pour trouver une solution définitive à ce différend régional ». Par la même occasion, le roi a rappelé que « la souveraineté du Maroc sur l'ensemble de son territoire est immuable, inaliénable et non négociable ». * Le roi est revenu à la charge en 2015, dans le discours du 6 novembre, qu'il a prononcé à Laayoune : « Il se leurre celui qui attend du Maroc qu'il fasse une tout autre concession. Car le Maroc a tout donné ». * En 2022, le 20 août, le Souverain a précisé : « Je voudrais adresser un message clair à tout le monde: le dossier du Sahara est le prisme à travers lequel le Maroc considère son environnement international. C'est aussi clairement et simplement l'aune qui mesure la sincérité des amitiés et l'efficacité des partenariats qu'il établit». * Depuis 2008, Sa Majesté invité régulièrement les dirigeants algériens à « œuvrer de concert et sans conditions à l'établissement de relations bilatérales fondées sur la confiance, le dialogue et le bon voisinage». Le 30 juillet dernier, l'appel royal s'est décliné en quatre points: ⁃ Sa Majesté « aspire » à ce que les relations entre le Maroc et l'Algérie soient « meilleures ». ⁃ L'Algérie n'aura « jamais à craindre de la malveillance de la part du Maroc ». ⁃ Le Maroc attache du prix aux liens d'affection et d'amitié, aux échanges et aux interactions entre les deux peuples. ⁃ Sa Majesté prie « pour un retour à la normale et une réouverture des frontières entre nos deux pays voisins et nos deux peuples frères ». Ainsi, tout en rappelant les paramètres qui sont ceux du Maroc au sujet de son Sahara et les critères qui commandent son attitude dans ses relations avec les autres pays sur cette question, Sa Majesté souhaite circonscrire le conflit avec l'Algérie et entretenir avec ce pays des relations de bon voisinage. Face aux craintes que les nouvelles alliances du Maroc et les partenariats qu'il a conclus ont pu susciter en Algérie, le roi s'est voulu rassurant en déclarant que l'Algérie n'a pas à craindre de malveillance de la part du Maroc. Les mots n'ayant apparemment pas la même signification dans les deux pays, le régime algérien a une conception très particulière et très large du concept de «malveillance». On l'a vu avec l'Espagne, lorsque le gouvernement algérien a taxé d'acte hostile une décision souveraine de Madrid dans une question dans laquelle, c'est Alger qui le dit, l'Algérie n'est pas partie prenante. C'est dire que n'importe quel acte, événement, déclaration ou réalisation du Maroc en défense de ses droits légitimes sont considérés par Alger comme autant d'actes «malveillants» ou «hostiles». Rappelons-nous : en juillet 2021, une déclaration marocaine au sujet de la Kabylie a semé le trouble à Alger, qui a crié au complot, saisissant l'occasion pour rompre les relations diplomatiques avec le Maroc. Pourtant, il n'y a aucune commune mesure entre une simple déclaration et les méfaits algériens. Si le Maroc avait voulu pratiquer la loi du talion, il ne lui aurait pas été difficile de mettre le pouvoir algérien en de sérieuses difficultés, sans même héberger sur son territoire ni armer des troupes en rébellion contre Alger. Ce n'est pas la méthode marocaine. En appelant à l'apaisement, le Souverain ne s'adressait évidemment ni à la presse ni aux réseaux sociaux dans le pays voisin, dont on connaît la toxicité, mais à ses hauts responsables, politiques et militaires. Ces derniers n'ont apparemment pas capté le message, ou alors les différents courants contradictoires qui traversent le pouvoir algérien ne sont pas parvenus à un accord et, comme c'est souvent le cas, ils ont opté pour le mutisme. Le « clan du refus » s'est cependant exprimé à travers des éléments de langage au niveau affligeant qui ont été largement repris par les médias aux ordres. Cette constance dans l'immobilisme est atterrante. En 2001, James Baker, alors Envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies pour le Sahara, avait invité les parties à « se défaire de la mentalité 'The Winner Takes It All' (le gagnant prend tout) ». Le Maroc n'est pas dans cette logique et a su montrer sa flexibilité en faisant des concessions aussi loin qu'il était possible de le faire sans remettre en cause l'intégrité territoriale et l'unité nationale du Maroc, en clair la souveraineté marocaine sur les provinces du sud. En proposant de doter ces provinces de l'autonomie, le Maroc a fait un pari sur l'avenir. L'Algérie pour sa part n'a pas bougé d'un iota et se complaît dans sa situation d'apparent confort, bien abritée derrière des principes auxquels elle n'accorde aucune valeur. « Le Maroc n'existe pas » Le président algérien a affirmé avec force et non sans un certain aplomb que l'Algérie n'a jamais tué un soldat d'un pays voisin. Tout semble indiquer que le chef de l'Etat algérien a une mémoire sélective, ou alors il est dans le déni. Il répondait à une question dont, au passage, on pourrait relever le caractère humiliant pour son gouvernement, mais il n'a pas pensé à recarder le journaliste. Ce dernier s'est en effet demandé : « il y a le feu sur toutes les frontières de l'Algérie sauf au nord où il y a la mer. Par où se sauver ? ». Tebboune a répondu que l'Algérie a de bonnes relations avec tous ses voisins et pays frères. A priori, pour nous Marocains, cette réponse peut sembler étrange. Le Maroc n'est-il pas un voisin et pays frère ? Mais ces propos s'éclairent sans peine si on prend le temps d'analyser l'attitude algérienne depuis la rupture des relations diplomatiques en août 2021 La stratégie algérienne est simple : faute de pouvoir faire plier le Maroc, Alger a décidé de faire comme si le Maroc n'existait pas. Aussi étrange que cela puisse paraître, le régime algérien a fait de la politique de l'autruche sa politique officielle vis-à-vis du Maroc. Le mot d'ordre semble être de ne jamais mentionner le nom du pays voisin. Seuls les médias sont autorisés à évoquer le Maroc mais uniquement pour le dénigrer, et sans jamais le citer par son nom. Jusqu'aux températures marocaines qui sont bannies des bulletins météo des chaînes de tv! « Cachez ce Maroc que je ne saurais voir » semble être la directive officielle. Voilà la méthode algérienne pour fuir la réalité. Faut-il que la mention du nom du pays voisin leur cause tant de souffrance pour que les dirigeants algériens en arrivent à une telle extrémité. On ferme les yeux très fort, et le Maroc n'est plus là. Disparu comme par enchantement. «Si ce n'était pathétique, ce serait risible», selon le mot d'un collègue, mais le régime algérien a-t-il le sens du ridicule ? Alger est le dos au mur et il n'a plus d'options. Au niveau d'un Etat, il n'y a pas de honte à faire discrètement son mea culpa pendant qu'il est encore temps pour essayer de sauver ce qui peut encore l'être. Le Maroc, auquel les dirigeants algériens ont fait tant de mal, leur tend magnanimement la main pour les aider à sauver la face. Et pourtant, en appliquant la théorie du prisme, le Maroc aurait toutes les raisons de ranger l'Algérie au premier rang des ennemis de son intégrité territoriale. Objectivement, le bilan pour Alger est désastreux et ce sont des faits, pas des accusations en l'air ou des affirmations à la légère comme celles que le pouvoir algérien a coutume de distiller. A cause du polisario, Alger est en train de se brouiller avec tout le monde. Après l'Espagne, avec qui Alger a coupé les ponts, les Emirats semblent être le prochain pays sur la liste. Alger a accumulé les bévues. Dès le lendemain de la Marche verte en 1975, Boumediene a commis l'infamie d'expulser 350 000 Marocains le jour de la Fête du Sacrifice, dans le but de mettre le Maroc en difficultés. Sans succès. L'Algérie n'a pas désisté. Elle a tout essayé depuis 50 ans, menant contre le Maroc une guérilla sans quartier sur trois fronts: militaire, diplomatique, juridique. Alger a perdu les trois batailles et n'est pas parvenu à imposer son polisario/rasd, sur la scène internationale, réussissant tout juste, mais à quel prix, à faire admettre « l'entité » à l'OUA. La seule « percée » récente dont le régime algérien pourrait se prévaloir est d'avoir obligé le président tunisien à recevoir le chef des miliciens-renégats. Tout autre Etat aurait, au minimum, marqué une pause pour réfléchir. Pas l'Algérie. Certains dirigeants algériens, obstinés, se refusent à admettre leur défaite. Ils persistent et s'enfoncent. Après la reconnaissance par les Etats-Unis de la souveraineté du Maroc sur le Sahara, l'Algérie a concentré toute son énergie sur un seul objectif : diaboliser le Maroc, l'isoler et le briser économiquement. D'où, depuis l'été 2021, une série de mesures qui se veulent autant de « sanctions » destinées à faire plier le Maroc. Ces nombreuses mesures étaient dirigées contre l'Etat marocain, comme la rupture des relations diplomatiques, mais d'autres ont visé le peuple marocain (et accessoirement le peuple algérien) : outre le maintien de la fermeture de la frontière terrestre, le pouvoir algérien a, par exemple, interdit aux universités et aux intellectuels d'avoir des échanges avec leurs homologues marocains. Sans oublier la campagne médiatique systématique, haineuse et aveugle contre le Maroc, peuple et institutions. Cette campagne indigne se poursuit encore sans aucune pudeur. D'autre part, dans le registre du grotesque, Alger n'a pas hésité à accuser le Maroc d'être à l'origine des incendies qui ont éclaté dans le pays en 2022. Une mention spéciale est à attribuer aux communiqués rituels du mercredi annonçant la saisie de grosses quantités de kif, dont on se demande comment elles réussissent à passer à travers une frontière cadenassée. Le président algérien ne rate aucune occasion de médire du Maroc. Régulièrement, depuis son élection, dans chacune de ses apparitions devant la presse de son pays, il ne peut s'empêcher de sacrifier au rituel de la « minute marocaine », décochant des flèches au voisin, soit directement soit par allusions transparentes. Le Maroc, une obsession algérienne... « Guerre d'usure » Ayant essuyé défaite après défaite, on pourrait penser qu'Alger reviendrait à la raison. C'est mal connaître les dirigeants du « pays à l'envers », selon le mot des auteurs du livre Le mal algérien. La dernière trouvaille est une pseudo « guéguerre d'usure » qu'Alger et ses milices du polisario prétendent mener contre le Maroc. « Saigner » le Maroc, voilà l'objectif algérien affiché, un mot d'ordre de toute évidence destiné plus à la consommation interne dans les camps de Tindouf qu'à une véritable mise en œuvre sur le terrain. Les communiqués militaires surréalistes se succèdent. Cependant, cette mystification est vouée à l'échec. Si usure il y a, ce sera celle des renégats, qui se sont fourvoyés dans cette lutte inégale perdue d'avance. Ils n'ont pas en face d'eux une armée coloniale européenne dépaysée et démoralisée mais un peuple uni, sûr de son bon droit et décidé à le défendre coûte que coûte. Non seulement les miliciens ne sont pas physiquement présents sur le territoire mais ils ne peuvent s'y mouvoir librement. Refoulés vers l'Algérie, ils ont perdu l'initiative. Ils ne peuvent décider ni de l'ampleur de leurs actions ni du type d'armement qu'ils peuvent utiliser. Pire, ils ne peuvent faire le coup de feu que sur une bande étroite attenante au territoire algérien, pour se replier rapidement vers celui-ci, lorsque les drones des FAR leur en laissent le temps. Quelle « guerre de libération » est-ce ? Ces petits jeux puérils cesseront lorsque le Maroc, selon l'évolution des circonstances et des paramètres internationaux, estimera le moment venu de boucler totalement la zone à l'est du mur. Avant cette échéance fatidique, Alger serait bien avisé de sortir de l'immobilisme qui a fini par mener l'Algérie dans une impasse. J'ai toujours estimé que le régime algérien, lorsqu'il sera acculé, devait résoudre lui-même ses problèmes et que le Maroc n'avait pas à se soucier de lui sauver la face. Mais, à ce stade, je pense qu'il faut aider l'Algérie à en sortir. Encore faut-il que les dirigeants algériens laissent le « nif » de côté et se résolvent à opérer une révision déchirante dans ses relations avec le Maroc. Inutile de tourner autour du pot, le seul grand problème qu'il y a entre le Maroc et l'Algérie, c'est le Sahara. L'unique souci de l'Algérie, c'est le Sahara. Alger a assez utilisé cette question, dont il a fait une « question nationale » et une priorité de politique étrangère. Or, l'Algérie a fait fausse route. Il est temps qu'elle le reconnaisse et en tire les conclusions qui s'imposent, sous peine de provoquer encore plus de souffrances au peuple algérien. Au risque de me répéter, j'incline à penser que l'Algérie est dans l'œil du cyclone. D'Etat « préoccupant » (State of Concern), ce pays est en passe de devenir un « pays hors-la-loi » (Rogue State). La création d'un Etat-croupion au Sahara n'est pas envisageable, ni aujourd'hui ni demain. Le plus tôt Alger admettra cette réalité, le plus tôt sera le mieux pour l'Algérie, pour le Maghreb et pour le reste du monde. Il faut en finir avec ce projet démentiel qui n'a que trop duré et provoqué tant de souffrances. Le « retour à la normale » bien évidemment se fera aux conditions marocaines. La main tendue du Maroc est une bouée de sauvetage, la dernière peut-être, une perche tendue au régime algérien pour l'aider à surmonter ses démons et arrêter la descente aux enfers. Le moment est venu pour les dirigeants algériens d'arrêter de se bercer d'illusions. Ils devraient cesser de vivre dans le déni et reconnaître leur responsabilité historique dans la création et la perpétuation du conflit. *Déni : désigne un refus de reconnaître la réalité d'une perception traumatisante. Il s'agit d'un mécanisme de défense inconscient qui constitue une protection nécessaire devant la réalité si angoissante qu'elle peut provoquer un effondrement psychique (https://psychologueparis- 7.fr/mecanismes-de-defense-le-deni/).