Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a recommandé la définition par les parties concernées (Etat, territoires, secteur privé, partenaires sociaux et société civile), d'un modèle national pour l'exploitation et la valorisation responsable et durable des ressources minières en général et des minerais stratégiques et critiques en particulier. Dans un avis sur "les minerais stratégiques et critiques contributeurs à la souveraineté industrielle du Maroc", présenté mercredi lors d'un atelier de restitution à Rabat par le rapporteur de l'autosaisine, Abdellah Mouttaqi, le CESE a préconisé une gouvernance participative, convergente et transparente entre l'Etat, les territoires, le secteur privé et la société civile, ainsi qu'une exploitation responsable sur les plans social et environnemental et conforme à la Constitution, aux lois, et aux engagements internationaux du Royaume. Selon le Conseil, cette exploitation doit intégrer les impératifs de la responsabilité intergénérationnelle en réservant une part des revenus au profit des générations futures, impactant ainsi positivement l'investissement social et l'empreinte environnementale. L'avis souligne aussi que le secteur doit être contributeur au développement humain durable, large et inclusif, tout en tenant compte des intérêts des populations dans le cadre d'une solidarité nationale et territoriale. Il s'agit aussi d'un secteur dont les bénéfices doivent contribuer au développement socio-économique des zones minières et de leurs communautés locales dans le cadre d'une gestion territoriale anticipative favorisant le développement d'activités économiques locales hors métiers de la mine, afin de renforcer la résilience des revenus des populations après la fermeture des sites. Le CESE a insisté, en outre, sur la nécessité de se doter d'un secteur intégré sur le plan économique qui maximise la valorisation locale par rapport à l'exportation de produits bruts, tout en identifiant et en développant ses liens aval avec les différentes filières industrielles. Il a, par ailleurs, indiqué que ce secteur doit être au service de la souveraineté industrielle du pays, en s'articulant autour de l'innovation et du savoir. A cet égard, toute stratégie nationale des minerais stratégiques et critiques au Maroc devra être étendue aux "matériaux innovants" qui résulteraient d'une valorisation aval des produits de mines par le développement de nouveaux process, a expliqué le Conseil, estimant que les caractéristiques physico-chimiques et fonctionnelles de ces matériaux étant prédéfinies « by-design », surpassent parfois même les minerais traditionnels. Le CESE a d'autre part appelé à analyser l'impact du pôle public chargé de l'exploration minière et de l'infrastructure géologique sur le développement du secteur minier pour en définir la meilleure architecture institutionnelle et à initier une stratégie de reconnaissance minière de l'espace maritime national et lancer, en faisant appel à des technologies adaptées. Sur le volet institutionnel, le CESE a recommandé d'accélérer l'adoption des textes réglementaires requis pour l'opérationnalisation de la commission des minerais stratégiques prévue par le projet de loi n°46.2056 (modifiant et complétant la loi n°33.13 relative aux mines) et chargée de la définition et la mise à jour de la liste des minerais stratégiques et critiques. Cette commission devra également mettre en place un dispositif de veille sur l'évolution des marchés mondiaux et sur le positionnement du Maroc dans les chaines de valeurs mondiales depuis la production jusqu'à la valorisation en produits finis. L'adoption et la promulgation du nouveau statut du mineur pour garantir les conditions d'un travail décent à tous les intervenants, y compris ceux de la sous-traitance, de l'activité artisanale et de la TPE/PME. Considérer la souveraineté industrielle comme un objectif stratégique de la trajectoire de développement du Maroc, en plaçant le secteur minier en général et celui des minerais stratégiques et critiques, en particulier, au centre des préoccupations. Dans ce sens, le CESE a recommandé la mise en place d'une "Instance pour l'intégration Mines- Industrie" qui aura parmi ses missions notamment institutionnalisation régulière de la coordination et des synergies entre les acteurs du secteur minier et du secteur industriel Sur un autre registre, le CESE a préconisé de dé-risquer le secteur minier pour les investisseurs et améliorer son attractivité en définissant une stratégie de financement adaptée au caractère risqué des activités minières, notamment, ceux de la phase d'exploration, et particulièrement pour les sociétés Juniors, à travers la levée de fonds au niveau de la bourse de Casablanca. Il a appelé aussi à prévoir un volet dédié au financement des entreprises exerçant dans le domaine des minerais stratégiques et critiques, y compris les juniors, comme l'une des activités du Fonds Mohammed VI pour l'investissement et d'adapter la fiscalité du secteur afin d'en améliorer l'attractivité vis-à-vis des investisseurs. Il s'agit aussi de prioriser la R&D dans le domaine des minerais stratégiques et critiques et matériaux innovants: crédit-impôt recherche ; de créer de nouvelles offres d'innovation industrielle spécifiques ; budgets de recherche ; réseau R&D en assurant la coordination entre le secteur minier et les universités; d'encourager l'optimisation d'utilisation des ressources minières, en soutenant la recherche, l'innovation et l'ingénierie de conception qui visent la réduction de la part des métaux stratégiques et critiques dans les produits et d'élaborer une stratégie de substitution des métaux stratégiques et critiques. Parmi les recommandations figurent également l'allègement des procédures administratives d'obtention des autorisations et permis miniers et la promotion, grâce à la digitalisation, l'accès et le partage de l'information pertinente pour les investisseurs dans le secteur, outre l'adaptation de la fiscalité du secteur afin d'en améliorer l'attractivité vis-à-vis des investisseurs. Sur un autre registre, le CESE a préconisé de renforcer et promouvoir la productivité du secteur autour de la R&D, du capital humain et de l'organisation des PME- TPE en priorisant la R&D dans le domaine des minerais stratégiques et critiques et matériaux innovants, tout en saisissant les opportunités offertes par les universités et les écoles d'ingénieurs marocaines et en les renforçant dans ce sens pour garantir une disponibilité pérenne d'un capital humain spécialisé et de qualité. Il s'agit aussi, selon l'avis du Conseil, d'encadrer les TPME/juniors du secteur minier et de promouvoir l'organisation des activités artisanales pour en faire une filière à part entière et performante. Sur un autre volet, le CESE a recommandé de sécuriser les chaînes d'approvisionnement et de réduire la vulnérabilité aux sources externes en utiliser notamment la liste exploratoire 1.0, relative aux minerais considérés comme stratégiques et celle des minerais identifiés comme les plus critiques pour planifier des politiques pour un approvisionnement stable et durable dans le temps et orienter les programmes d'exploration et de développement du potentiel national. L'avis du Conseil a appelé à des incitations fiscales et subventions pour la R&D dans le domaine du recyclage des métaux et de recherche de substituts aux minerais critiques les plus rares ou les plus chers et de diversifier les sources d'approvisionnement étrangères en minerais critiques afin de minimiser le risque de rupture et constituer des stocks stratégiques pour les minerais les plus critiques pour la stabilité économique et sécuritaire du pays, outre le renforcement de la coopération Sud-Sud dans le domaine des échanges commerciaux et/ou des investissements dans le secteur minier. Le Conseil a préconisé en outre de promouvoir une valorisation nationale des minerais stratégiques et critiques pour un meilleur positionnement au niveau des chaines de valeurs liées à la transition énergétique, numérique et aux orientations du NMD en orientant les investisseurs vers des projets de valorisation des minerais stratégiques et critiques conformes aux choix stratégiques du pays et en accorder un caractère prioritaire aux industries de valorisation en aval des minerais stratégiques et critiques au niveau des objectifs du Fonds Mohammed VI pour l'Investissement. Le Conseil a appelé dans le même cadre à promouvoir via les incitations et appui nécessaires au développement de nouveaux procédés de traitement de minerais, efficients en termes de consommation de ressources, performants et décarbonés et à faire un inventaire (volumes/ valeurs) des produits miniers raffinés ou transformés importés mais qui peuvent être éventuellement produits/recyclés à partir de minerais stratégiques existants au Maroc. Il a plaidé pour la promotion du caractère inclusif et durable du secteur minier, en généralisant pour tous les opérateurs miniers, y compris les TPME et mines artisanales, l'obligation d'intégrer les principes de la performance environnementale et sociale, ainsi qu'en renforçant les capacités des associations opérant dans les régions minières pour une meilleure représentativité de la population dans les négociations avec les entreprises minières. Le CESE s'est également prononcé en faveur de la promotion de l'adhésion du Maroc à l'Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) et de la consolidation des actions de responsabilité des opérateurs miniers au Maroc et celles des opérateurs marocains ou associés à des opérateurs marocains à l'étranger. A noter que cet avis du CESE s'est basé sur l'examen, selon une vision prospective, de l'écosystème de cette catégorie de minerais et son impact sur l'industrialisation et le développement du pays. Le Conseil a relevé, à cet égard, que pour le Maroc et au regard de son ambition, telle qu'elle a été affichée par le rapport du Nouveau Modèle de Développement, l'accès aux ressources minières stratégiques et critiques, et leur valorisation selon une approche inclusive et durable constituent aujourd'hui une question prioritaire. Le CESE a traité ainsi cette problématique autour de trois points à savoir : la définition d'une liste 1.0 (liste exploratoire) des minerais stratégiques et critiques pour notre pays, tout en abordant les questions de la sécurisation de l'accès à ces types de minerais, ainsi que le mode de gestion de ces ressources, la valorisation de la production nationale et le positionnement optimal sur les chaines de valeur nationales et mondiales et la promotion du caractère responsable et durable de l'exploitation et de la valorisation des minerais stratégiques et critiques.