Parti à l'étranger, peut-être en Belgique, l'imam Hassan Iquioussen, sous le coup d'un arrêté d'expulsion signé par Gérald Darmanin, est aussi visé par un mandat d'arrêt européen, dont son avocate conteste la légalité. Ce 7 septembre, l'hebdomadaire satirique français Le Canard Enchaîné dévoile les extraordinaires couacs des renseignements français qui, malgré le dispositif sophistiqué employé pour retracer le prédicateur, ce dernier a fini par prendre la fuite. Dans un article intitulé «L'imam de Darmanin remercie les Pieds-Nickelés du Renseignement», Le Canard Enchaîné dévoile les manquements du renseignement territorial français dans cette affaire. Le prédicateur, mis en cause pour des propos que le gouvernement français juge à l'antipode des valeurs de la République, était resté introuvable par la police à son domicile de Lourches, près de Valenciennes, après la validation de son arrêté d'expulsion par le Conseil d'Etat, et ce malgré les ressources consacrées pour suivre ses faits et gestes. «Sous le coup d'une expulsion du territoire depuis une décision du Conseil d'Etat datée du 30 août, l'imam devait être cueilli le jour même chez lui, dans une ancienne ferme de Lourches (Nord). Sauf qu'il s'était carapaté la veille, au nez et à la barbe des flics», se marre le Canard. Le lendemain de l'arrêt du conseil d'Etat, le préfet du Nord avait expliqué, lors d'une conférence de presse, avoir saisi le parquet, et qualifié l'imam de «délinquant» dès lors «qu'il s'est soustrait à un arrêté d'expulsion». «Ce n'est pourtant pas faute d'avoir mis le paquet. Dès le 7 août, à la demande du préfet du Nord, les agents locaux du Renseignement territorial avaient été renforcés par une équipe venue spécialement de Paris. Embarqués dans une dizaine de véhicules, une vingtaine de cadors de la Division nationale de la recherche et de l'appui – spécialiste de la surveillance discrète – étaient chargés de filocher le prêcheur 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24», ironise l'hebdomadaire. «Dans la nuit du 28 au 29 août, cependant, personne n'a vu l'imam se faire la malle dans une BMW immatriculée en Belgique. Selon les enquêteurs de la police judiciaire, il serait désormais planqué du côté de Bruxelles. Drôlement bien renseignés, ces flics!», se gausse le palmipède. «Le 29 au petit matin, les poulets en planque remarquent qu'Iquioussen n'a pas allumé la lumière dans la pièce où il a l'habitude de prier. Idem le lendemain. Les flics ne s'alarment pas: le téléphone portable du religieux, branché par leurs soins, «borne» toujours dans la ferme, tout comme la balise GPS planquée dans sa bagnole», a-t-on précisé. Le Conseil d'Etat avait donné avant quelques jours son feu vert à l'expulsion de M. Iquioussen, né en France il y a 58 ans mais de nationalité marocaine. Le ministre de l'Intérieur avait annoncé le 28 juillet l'expulsion de ce prédicateur du Nord, fiché S (pour sûreté de l'Etat) par la DGSI «depuis dix-huit mois», selon lui. Dans la foulée, le Maroc a annoncé mardi, après la décision du Conseil d'Etat, suspendre le «laissez-passer consulaire» délivré début août pour permettre l'expulsion de l'imam vers son territoire.