Au lendemain de l'indépendance (1962), le pouvoir en Algérie a été confisqué par les maîtres du FLN et de l'armée au nom d'un principe non négociable : «la légitimité révolutionnaire». Cela voulait dire : «Nous avons libéré le pays, il est à nous» avait déclaré l'écrivain-dissident algérien Boualem Sansal avant quelques années. La liste est longue des casus belli accumulés entre la France et le pouvoir algérien. Une liste pas forcément constituée de gros dossiers de divergence, mais d'une multitude de tensions autour de la volonté du régime algérien d'imposer le fait accompli. Au point que plusieurs opposants dressent le constat du mal : «L'Algérie doit combattre trois fléaux principaux : le poison de la corruption, la nature autoritaire du régime et le système de rente.» Alors que les 60 ans des accords d'Evian approchent, l'écrivain Boulame Sansal a affirmé au Figaro que «les Algériens (le peuple) n'aiment pas qu'on vienne les caresser dans le sens du poil, ce qu'ils veulent c'est écrire eux-mêmes leur histoire, chose que leur gouvernement ne leur permet pas, il les oblige à boire le breuvage officiel jusqu'à la lie et obéir aux alertes du ministère de la vérité. Ce qui intéresse le pouvoir (algérien, NDLR) c'est tout ce qui peut lui apporter un peu de légitimité pour conserver le pouvoir dérobé par lui un certain juillet 1962. La légitimité pour lui c'est le blanc-seing pour piller le pays en toute bonne conscience. Il a trouvé en Macron le gars sympa qui leur en donne tant et plus. Venant de l'ex-colonisateur ça vaut acquittement.» Pour lui, «Macron avait passé la pommade à son vieil ami Bouteflika, il le fait aussi avec son nouvel ami Tebboune. Les Algériens observent sans comprendre ce qui peut lier un charmant jeune homme propre sur lui avec la gérontocratie haineuse d'Alger. En fait ils s'en fichent, ce qu'ils veulent c'est un peu de liberté, de la tranquillité, et si possible la vérité sur les affaires de leur pays, et en cadeau un visa pour visiter la France et y faire souche le cas échéant.» L'écrivain pointe «l'inconséquence» d'Emmanuel Macron qui, d'un côté, «flatte ses vieux amis d'Alger, les abreuve d'hommages et de reconnaissance, et de l'autre il les accuse de vivre sur la rente mémorielle comme ils vivent royalement sur la rente pétrolière, deux choses qui se confondent au fond quand on n'a pas de légitimité et de dignité. On se demande qui conseille si mal ce jeune président qui certainement ne demande qu'à bien faire.» Sur la réduction du nombre de visas octroyés aux Algériens après l'échec du dialogue au sujet de la réadmission des clandestins expulsés, M. Sansal livre ce constat effroyable : «Macron ne fera rien, il est intelligent mais peureux, il sait que le pouvoir algérien ne rigole pas si on touche à ses intérêts. Alors qu'il n'a rien fait, juste émis une idée, voilà que son vieil ami Tebboune rappelle son ambassadeur à Paris, ferme l'espace aérien aux avions militaires français, interdit l'usage du français dans plusieurs ministères, rompt 500 contrats avec des PME françaises et appelle les grandes firmes allemandes et italiennes à venir remplacer au pied levé les entreprises du CAC 40 opérant en Algérie. Que fera-t-il si Macron s'avisait de toucher aux visas dus à ces messieurs, à leurs familles et alliés. Bravo, ça, c'est un chef! Pauvre Macron, il s'est mis un caillou dans la chaussure et un sacré souci dans la tête.» Sur les relations franco-algériennes : «Avant d'être passionnels, ils sont intéressés. La seule source de légitimation de la junte a été et reste la geste anticoloniale. Elle continue la guerre de libération pour maintenir le peuple sous l'empire des lois de la guerre clandestine. On lui explique journellement, par communiqués du haut commandement, que la guerre n'est pas finie, que l'ennemi est toujours là, plus dangereux que jamais.» Il ajoute : «Il doit y croire, le voir partout et agir en bon moudjahid et si nécessaire mourir en héros. Il doit chaque jour sacrifier au quart d'heure de la haine du JT de 20 heures contre la France. C'est du pur Orwell. L'Algérie est de ces rares pays encore vivants (Corée du Nord, Cuba), à avoir réussi à faire de la magnifique fiction orwellienne 1984 une réalité vivante.» «D'un autre côté la France a un besoin vital de l'amitié et l'affection des Algériens pour se persuader et démontrer au monde que sa colonisation a été pour eux un pur bonheur. La preuve est qu'ils prennent d'assaut ses consulats pour obtenir leur visa ou vont affronter à mains nues les dangers de la mer pour venir se jeter dans les bras de la mère adoptive indigne» a-t-il conclu.