Les dirigeants algériens affirment que Rabat soutient le Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie (MAK), une organisation indépendantiste qu'ils tiennent pour responsable des feux de forêt. Ila accusent également Rabat de mener une politique hostile à l'égard du pays. Accusations infondées, selon Bernard Lugan. Dans la revue mensuelle L'Afrique Réelle, daté du 25 août, le spécialiste de l'Afrique Bernard Lugan publie un éditorial dans lequel il revient sur la rupture des relations diplomatiques entre Rabat et Alger, dont les péripéties consacrent une nouvelle dégradation des relations conflictuelles entre les deux pays, dont la frontière commune est officiellement fermée depuis le 16 août 1994. Selon M. Lugan, le contentieux entre les deux pays «est d'ordre politique, mais également historico-psychologique» et ce pour quatre raisons principales. L'Algérie jalouse le Maroc avec ses 1 200 ans d'histoire et ses empires s'étendant à certaines époques sur tout le Maghreb, une partie de l'Espagne et jusqu'à Tombouctou ; les dirigeants algériens ne veulent pas reconnaître qu'ils ont hérité de la France de territoires historiquement marocains comme le Touat, la Saoura, le Tidikelt, le Gourara et la région de Tindouf, l'Algérie se sent «enclavée» dans cette mer fermée qu'est la Méditerranée et ne supporte pas que le Maroc avec ses provinces sahariennes dispose d'une immense façade maritime océanique. Lors d'une réunion extraordinaire du Haut Conseil de sécurité algérien présidée par le chef de l'Etat, Abdelmadjid Tebboune, et consacrée à l'évaluation de la situation après les gigantesques feux de forêt qui ont fait au moins 90 morts dans le nord du pays, les dignitaires algériens ont défilé un chapelet d'accusations contre le Maroc sans que ne soit présentée jusqu'à présent la moindre preuve. La tension avec le Maroc pourrait permettre de freiner la situation difficile des pays retirant leur reconnaissance à la pseudo-rasd L'Algérie traverse une très profonde crise économique, politique, institutionnelle et identitaire, elle tente donc de rassembler les énergies nationales en ayant recours, comme à son habitude, à deux bouc émissaires : la France et le Maroc. Actuellement, pour diverses raisons elle a besoin de la France. Reste donc le Maroc. Lugan dit espérer que cette «politique de fuite en avant ne débouchera pas sur une nouvelle guerre des sables.» Une autre contradiction flagrante : alors que l'Algérie soutient le Polisario depuis des décennies, la dernière réunion du mouvement des non-alignés, les 13 et 14 juillet à New York, a provoqué l'ire du pouvoir d'Alger. L'ambassadeur du Maroc à l'ONU, Omar Hilale, avait fait passer une note dans laquelle il estimait que «le vaillant peuple kabyle mérite, plus que tout autre, de jouir pleinement de son droit à l'autodétermination». Une ligne rouge pour Alger, qui s'oppose à toute velléité indépendantiste de la Kabylie. Si le séparatisme kabyle est insoutenable pour l'Algérie, que dire donc de l'appui apporté par Alger aux séparatistes du Front Polisario ? Bernard Lugan est un historien français, spécialiste de l'Afrique, né à Meknès le 10 mai 1946. Il a enseigné à l'université Nationale du Rwanda, à l'université de Lyon II, à l'école de guerre et à l'institut des hautes études de défense nationale (IHEDN). Il a lancé la revue en ligne L'Afrique réelle en 2010, distribuée par courrier électronique.