Pour le Parti de l'Istiqlal comme pour L'Opinion en tant que média engagé, la question de la revendication du Sahara oriental annexé par le colonialisme français au profit de l'Algérie du temps de la fameuse "Algérie française", a toujours figuré parmi nos préoccupations nationales. L'évocation de cette question qui relève de la décolonisation n'est nullement conjoncturelle et s'inscrit dans la quête permanente du parachèvement de l'indépendance territoriale de notre pays sorti, faut-il le rappeler, des négociations d'Aix-Les-Bains en 1955, avec une indépendance "boiteuse". Dans la foulée de cette quête, L'Opinion reproduit deux importants écrits que nous avions publiés en 1985 de M. Mohammed Maazouzi, ancien grand commis de l'Etat qui a toujours été au coeur des «affaires sahariennes». Témoin de l'histoire du Sahara marocain au sud comme à l'est, M. Maazouzi faisait partie de la délégation marocaine qui s'était rendue à la Haye pour suivre les débats de la Cour Internationale de Justice à laquelle le Maroc avait demandé un avis consultatif sur les liens historiques entre le Royaume et le Sahara. Au tracé de juin 1972, Mohammed Maazouzi avait consacré tout un ouvrage pour en révéler les dessous. Ci-après le premier article sur l'invasion du Touat: I/ L'invasion C'est à la suite d'une longue série de manœuvres machiavéliques et de tentatives diverses que les Français ont pu s'approcher du Touat en évitant d'attirer l'attention des chancelleries étrangères. Paris s'engageait d'abord à n'intervenir que sur le plan commercial pour protéger le bon fonctionnement du trafic caravanier entre l'Algérie et le Soudan. La pénétration française au Taouat, par procuration de Fès, serait tout à fait pacifique et respecterait le régime des Oasis ; ce serait aussi donner satisfaction à l'Europe, disait-on, que de faciliter cette pénétration qui ne viserait qu'à l'étude d'un tracé de chemin de fer transsaharien au profit des deux pays. Ces projets français furent à l'origine des grands remous durant les dernières décades du 19ème siècle. L'opinion française accueillait mal cette politique d'invasion des territoires du Sud-Est marocain et la qualifiait de mésaventure douloureuse. Au cours de son voyage dans ces contrées, l'explorateur de Segonzac observait déjà l'étendue géographique de cette effervescence dont les mouvements s'étendaient depuis l'Atlas jusqu'au Touat. (Du côté du Maroc, notre pénétration s'est heurtée partout à ces fonctionnaires marocains régulièrement investis : Pachas de Timimoun et Timmi, Caïds d'Aïn Salah, d'Igli et des Ksours de l'Oued Zousfana et de l'Oued Saoura...) (Excursion au Souss). De par sa position stratégique, Aïn Salah semblait être là pour (tenter) les autorités coloniales françaises qui recherchaient un point d'appui en avant pour l'annexion future des oasis de Tidikelt, du Gourara et du Touat. Notre seule route nous permettant de nous relier avec le Niger passe forcément par le Tidikelt, nous devons donc, sans hésiter, nous rendre maîtres d'Aïn Salah... Cette occupation avait pour effets immédiats de faire tomber sans coup férir (sous notre domination) le Touat, le Gourara et tout le cours supérieur de l'Oued Saoura jusqu'à Igli et nous donner toutes les routes (vers le Sud, vers le Niger ou vers le Tchad). La question du Touat, conférence, Déporter, 1891. Sur le plan économique, le Tidikelt, avec son centre d'Aïn Salah, contrôlait le principal trafic commercial avec les oasis environnantes et l'axe routier des caravanes silionnant la région entre Tripoli, Tombouctou, Taoudeni, Tindouf, Fès, Essaouira. La mainmise sur Aïn Salah devait couper les courants commerciaux avec le Maroc qui serait ainsi privé du principal centre d'approvisionnement du Sud-Est et créer d'autres courants pour les débouchés des produits français. La jonction de l'Algérie avec le Soudan était l'objectif principal qui hantait les cerveaux de l'Administration coloniale française (En 1880, nos ports extrêmes étaient El Oued. Laghouat, Géryville, E Aricha). Les renforts étaient amassés à Laghouat et Média pour assurer communications et ravitaillement. Une expédition était donc organisée par le gouverneur général Laferrière et la mission de couverture, confiée par l'Instruction publique à un géologue dont on connaît l'arrière-pensée, M. Flamand quittait Ouargla le 28 novembre 1899 en direction du Tidikelt, suivie à distance par des Goums et des escadrons de Spahis sahariens ayant reçu mission d'entreprendre une reconnaissance de grande envergue ? Un mois après, elle campait à 30 kms à l'Est Aïn Salah, à proximité d'Igosten et de la petite oasis de Fouggaret Ouled Bajouda. Entre les troupes de renfort, il avait été convenu qu'elles devaient faire leur jonction aux abords d'Aïn Salah le 28 décembre 1899, date à laquelle l'expédition militaire devait se substituer à la (mission) dont le rôle était de rechercher le contact aux environs d'Igosten et de sonder les dispositions des Marocains au cas où ceux-ci seraient alertés par cette présence. Attaque-surprise contre Aïn Salah et encerclement du Tidikelt L'attaque-surprise laissa sur le terrain, du côté marocain, près de 100 morts. Le lendemain 29 décembre, Ksar El Kébir était occupé. Le 5 janvier 1900, profitant de leur supériorité et de l'effet de surprise, les troupes françaises attaquèrent à coup de salve le Ksar de Deghamcha, du groupe des oasis d'Aïn Salah. (...Les pertes de l'ennemi avaient été très fortes : 150 tués, 200 blessés environ, 14 prisonniers. De notre côté, nous avions un spahi saharien tué et quelques blessés...) (A travers les oasis sahariennes – G. de Champeaux, p. 58). (J'ai imposé à la ville d'Aïn Salah une amende de 10.000 francs qui a été payée en deux jours et partagée entre mes goumiers) (lettre de Pein, (Les Conquérants des Oasis, p. 55). Le Pacha de Timmi, Driss Ben Kouri Cherradi, arrivé au Tidikelt à la tête des contingents levés dans les principaux ksours et entre à In Ghar le 26 février où, immédiatement, il organise la défense dans les Kasba Hadega et Ould Ahmed Ben Jelloun. Femmes et enfants se réfugient dans les Fegaguir et dans les mosquées. Voici la version française d'après d'autres auteurs : (...Dans la soirée, tous ceux qui n'avaient pas fui mettaient bas les armes. Les pertes ennemies étaient considérables, plus de 600 tués, les nôtres assez importantes, une dizaine de tués et plusieurs blessés...) (G.de Champeaux, à travers les oasis sahariennes, p. 60) (... Après de longs pourparlers, ils finirent par se rendre. L'ennemi avait perdu 600 hommes, il avait de nombreux blessés et 450 prisonniers dont le Pacha de Timmi et 20 Kébar. (Toute la correspondance du Pacha avec le Maroc fut saisie). (Tillon, (La conquête des oasis sahariennes, 1900-1901), p. 37). Les oasis de Tit, d'Akabli et de l'Aoulef résistent également mais sont occupées les 21, 22, 27 mars 1900. Ainsi se termina le combat acharné ou plutôt le massacre d'Inghar qui causa une émotion considérable. Mais ce n'est que le début car le projet de conquête englobait le Gourara et le Touat et consistait à mettre les autres puissances devant le fait accompli. Igli est occupée depuis le 5 avril 1900. Timmimoun, le 26 mai 1900. Par la chute de Timmimoun, le lundi 26 mai 1900, l'occupation du Gourara, après celle du Tidikelt, était devenue un fait accompli. Ces deux régions, envahies, il restait un troisième objectif, celui du Touat avec le grand Ksar : Adrar et la fameuse vallée de l'Oued Saoura. Metarfa : Le 5 septembre 1900. Vers la fin de l'année, les opérations reprirent de plus belle avec de nouveaux renforts et de déferlement de plusieurs colonnes sur la Saoura – Zousfana en s'appuyant sur Igli pour isoler le Tafilalet des Oasis de l'Est. Prise de Charouine : Le 2 mars 1900. Occupation de Béni Abbès (le 3 mars 1900) et de Talmine (le 9/3/1900). Les Français s'approchèrent de la Saoura. C'est précisément ce que craignait l'Angleterre, émue par l'occupation d'Igli, point stratégique situé au confluent de l'Oued Guir et de l'Oued Zouzfana et à la mi-distance de Figuig au Touat. Les prétextes français ne pouvaient duper l'Angleterre qui voyait se dessiner à l'horizon le déferlement des colonnes françaises vers l'Oued Guir et le Tafilalet. En touchant aux oasis sahariennes, territoires marocains incontestés, les Français avaient défoncé la première porte en occupant Igli, ils ménageaient une autre porte d'entrée et celle-ci, bien visible, n'était pas sans soulever certaines difficultés. En dépit des diverses tractations et des amputations successives de nos territoires sahariens, la résistance, sans jamais désarmer, et loin d'accepter le nouvel ordre des choses, s'est poursuivie jusqu'en 1934. ... Il est indispensable pour la sécurité de notre empire colonial d'Afrique et pour l'honneur de la France que soit assurée au plus tôt la pacification du Sahara occidental...). (... Et voici qu'à la fin de 1934,63, il est presque entièrement réalisé... (Et l'on peut désormais considérer comme à peu près pacifiée, la vaste zone de dissidence qui s'étendait des abords Sud de Tiznit jusqu'aux postes d'Atar et de Chenouiti...) (Charbonneau). Demain:II - l'annexion