Une loi de 1958 interdit les échanges commerciaux avec l'Etat hébreu, des personnes de nationalité israélienne ou des entreprises appartenant à des Israéliens. Le conseil des ministres soudanais a approuvé, mardi 6 avril, un projet de loi visant à abroger le boycott d'Israël en vigueur depuis soixante-trois ans, après la normalisation par le Soudan de ses relations diplomatiques avec l'Etat hébreu, fin 2020. Ce texte doit encore être approuvé par la plus haute autorité du pays, le Conseil de souveraineté, pour avoir force de loi. Le conseil des ministres a également réaffirmé «la position ferme du Soudan» en faveur de la solution à deux Etats, avec la création d'un Etat palestinien au côté de celui d'Israël. La loi de 1958 interdit les échanges commerciaux avec l'Etat hébreu, avec des personnes de nationalité israélienne ou avec des entreprises appartenant à des Israéliens. De même, elle interdit l'importation de produits fabriqués ne serait-ce que partiellement en Israël. Toute personne violant ce boycott risque jusqu'à dix ans de prison ainsi qu'une lourde amende. Longtemps pilier du front anti-Israël en Afrique, Khartoum a notamment accueilli un sommet arabe quelques semaines après la guerre des Six-Jours, en 1967, où a été énoncée la résolution des «trois non» : non à la paix, non à la reconnaissance et non à la négociation avec l'Etat hébreu. Durant des décennies et plus encore durant les trente ans de règne autoritaire de l'ex-président Omar al-Bachir, chassé du pouvoir en avril 2019, le Soudan a entretenu une très ligne dure envers l'Etat hébreu. Jusqu'en 2020, seuls deux pays arabes entretenaient des relations diplomatiques avec Israël : l'Egypte et la Jordanie, respectivement depuis 1979 et 1994. Mais l'an dernier, plusieurs pays arabes dont le Maroc, les Emirats arabes unis ou encore Bahreïn ont normalisé leurs relations avec Israël, sous l'égide de Washington. Un rapprochement qui ne fait pas l'unanimité Cherchant à réintégrer le Soudan sur la scène internationale, le gouvernement de transition a accepté de faire de même en échange notamment d'une levée des sanctions américaines contre Khartoum. Les «accords d'Abraham» signés en janvier par le Soudan et Israël ont été conclus quelques semaines après le retrait de Khartoum de la «liste noire» américaine des Etats accusés de financer le terrorisme, qui a fait obstacle aux investissements internationaux pendant des décennies. Le ministre israélien du renseignement, Eli Cohen, a été en janvier le premier responsable israélien à accomplir une visite officielle au Soudan. Comptant sur ces rapprochements diplomatiques simultanés, Khartoum espère une amélioration de sa situation économique. Après des décennies de mauvaise gestion, l'économie soudanaise est aujourd'hui à genoux, plombée par une inflation vertigineuse, une dette colossale et un manque chronique de devises, qui représentent autant de menaces pour la réussite de sa transition politique. Mais l'accord avec Israël doit encore être ratifié par le pouvoir législatif avant d'entrer en vigueur. Or le Soudan ne dispose toujours pas d'un Parlement en place. Et le rapprochement avec l'Etat hébreu est loin de faire l'unanimité dans la société soudanaise. Des Soudanais ont notamment manifesté en janvier devant le siège du gouvernement, brûlant des drapeaux israéliens et scandant des slogans anti-sionistes. Et en février, une conférence sur la tolérance religieuse, à laquelle un rabbin a participé en visioconférence, a déclenché une vive polémique.