Le Royaume-Uni n'est pas institutionnellement raciste et peut au contraire servir de modèle à d'autres pays: en semblant sous-estimer l'étendue du problème, les conclusions d'un rapport, commandé par le gouvernement à la suite du mouvement Black Lives Matter, ont provoqué un tollé mercredi. La mort de George Floyd aux Etats-Unis avait été suivie l'année dernière d'importantes manifestations au Royaume-Uni, y entraînant un examen de conscience sur la place des minorités et le rapport au passé colonial. Etablie par le Premier ministre Boris Johnson pour s'attaquer «à la substance du problème» sans «réécrire le passé», lors d'une pandémie qui a durement touché les minorités, la Commission sur les disparités raciales et ethniques juge dans ses conclusions que les progrès dans l'éducation et, dans une moindre mesure, l'économie «devraient être considérés comme un modèle pour les autres pays dont la population est majoritairement blanche». «La plupart des inégalités que nous avons examinées, que certains attribuent aux discriminations raciales, ne trouvent souvent pas leur origine dans le racisme», assure la Commission. Certaines communautés restent «hantées» par un racisme ancien, exprimant «une réticence à reconnaître que le Royaume-Uni était devenu ouvert et plus juste», affirme le président de la Commission, Tony Sewell dans son avant-propos. Tout en reconnaissant que le racisme est toujours présent, le rapport met en avant les progrès accomplis, notamment en matière d'éducation. La commission relève que les enfants de différentes communautés ethniques réussissent aussi bien ou mieux à l'école que les élèves blancs, les élèves noirs originaires des Caraïbes étant les seuls à moins bien réussir. «Personne ne nie que le racisme existe» mais le terme «institutionnellement raciste» est «parfois utilisé à tort», et «nous n'avons pas trouvé de preuves de racisme institutionnel» a estimé Tony Sewell, sur la BBC. «Profond» et «structurel» Ce rapport a suscité une vague de critiques dans un pays marqué par le scandale du traitement réservé à la génération Windrush, du nom des quelque 500 000 immigrés des Caraïbes arrivés au Royaume-Uni entre 1948 et 1971, ou encore par l'incendie, en juin 2017, de la tour Grenfell à Londres qui avait fait 72 morts, dont de nombreuses personnes noires et issues de minorités. Le sujet est revenu encore récemment dans l'actualité, lors d'une interview choc du prince Harry et de son épouse métisse, Meghan. Le couple avait affirmé qu'un membre de la famille royale s'était interrogé sur la couleur de peau qu'aurait leur fils Archie. Dans un pays durement touché par le coronavirus, les noirs sont deux fois plus susceptibles de mourir du Covid-19, selon le Bureau national des statistiques. Interrogé par des journalistes en marge d'une visite à Leeds, le chef du Parti travailliste, Keir Starmer, a appelé à agir plutôt qu'à multiplier les rapports sur le racisme dans le pays. Halima Begum, la directrice générale du Runnymede Trust, un groupe de réflexion sur l'égalité raciale, s'est dite «profondément déçue» par ce rapport qui conclut que le Royaume-Uni n'est pas institutionnellement raciste. «Dites cela à la jeune mère noire qui est quatre fois plus susceptible de mourir lorsqu'elle accouche que sa jeune voisine blanche, dites-le aux 60% de médecins et d'infirmières du service public de santé morts du Covid et qui étaient des travailleurs issus de minorités ethniques», notamment des noirs, a-t-elle déclaré à l'agence de presse PA. Boris Johnson a estimé dans un communiqué que son gouvernement devait désormais évaluer les recommandations formulées, disant son engagement «à bâtir une Grande-Bretagne plus juste et prendre les mesures nécessaires pour répondre aux disparités là où elles existent». Ce rapport de 264 pages formule 24 recommandations, soulignant l'importance de reconstruire la confiance des différentes communautés ethniques dans les institutions, de s'attaquer au racisme en ligne ou encore d'établir des programmes scolaires plus inclusifs. La Commission recommande également que l'acronyme anglais «BAME» qui désigne «les noirs, asiatiques, et autres minorités ethniques» ne soit plus utilisé, jugeant les différences entre ces groupes aussi importantes que leurs similarités.