«Rabat estime qu'il y a toujours 1 137 Marocains, y compris des djihadistes et leurs familles, détenus dans les camps du nord de la Syrie, et le dernier retour organisé de huit d'entre eux date d'il y a deux ans», a déclaré le directeur du Bureau central d'investigations judiciaires (BCIJ, antiterrorisme) Habboub Cherkaoui, dans un entretien avec l'agence espagnole EFE. Plusieurs pays sont confrontés à la question épineuse du retour de ressortissants ayant combattu dans les rangs de l'organisation Etat islamique (EI), et détenus en Syrie, y compris le Maroc. Habboub Cherkaoui, qui dirige le «FBI marocain» depuis le 30 novembre 2020, a affirmé dans un entretien accordé à l'agence EFE que le retour de ces individus ayant rejoint le groupe Etat islamique (EI) ou d'autres groupes djihadistes en Syrie et en Irak constituait «un grand défi sécuritaire» non seulement pour «le Maroc mais aussi pour ses voisins.» «Pour nous, ces personnes représentent un danger, car elles ont accumulé une formation et une expérience dans la guerre des gangs, la manipulation d'armes, la fabrication d'explosifs et de voitures piégées, ainsi que la propagande et l'endoctrinement», a-t-il expliqué. Selon les chiffres du BCIJ, un total de 1 654 combattants ont quitté le Maroc pour se rendre dans la zone syro-irakienne pour combattre dans les rangs de divers groupes djihadistes, dont 1 060 au sein du groupe Etat islamique. Sur le nombre total de combattants, 745 sont morts dans ces zones et 270 sont rentrés dans leur pays d'origine, la majorité étant jugée grâce à une réforme du Code pénal approuvée en 2015 pour réprimer «l'incorporation dans les zones de conflit pour pratiquer le djihad» avec des peines allant de cinq à dix ans de prison. En compagnie de ces djihadistes, 288 femmes marocaines ont voyagé, dont beaucoup ont enfanté une fois dans le «califat». Une centaine d'entre-elles sont rentrées et aujourd'hui, environ 189 femmes et 309 enfants sont toujours dans des camps de détenus en Syrie. M. Cherkaoui a déclaré que ceux qui ont choisi de rentrer ont d'abord fait l'objet d'une enquête et bénéficient désormais de programmes socio-économiques pour faciliter leur réinsertion sociale et celle de leurs enfants. En mars 2019, le Maroc a rapatrié huit de ses ressortissants du territoire du «califat», en coordination avec les Etats-Unis, allié des Forces démocratiques syriennes (FDS), qui ont ensuite vaincu le groupe EI et détruit son dernier bastion. «Ce rapatriement était la dernière initiative du Maroc avec ses ressortissants qui se trouvent dans ces zones, et jusqu'à présent, il n'a pas été suivi d'autres initiatives similaires», note EFE. Interrogé à ce sujet, Cherkaoui a souligné que la gestion de la question des rapatriés est une décision politique qui doit être prise «dans le cadre de la coalition internationale existante». L'ONG marocaine Northern Observatory for Human Rights a exhorté en février dernier le gouvernement marocain à intervenir pour rapatrier les femmes et les enfants détenus dans ces camps, tout en dénonçant les conditions «dures et inhumaines» dans lesquelles ils vivent en raison du manque de nourriture et d'eau potable, ainsi que l'insécurité qui règne dans cette région. Le Parlement marocain a également formé une commission pour étudier le cas des parents et orphelins des djihadistes de Syrie et d'Irak, et les possibilités de leur rapatriement. Réseaux de drogue, légalisation du cannabis M. Cherkaoui a également évoqué la nouvelle loi approuvée par le gouvernement pour légaliser les usages thérapeutiques et industriels du cannabis – une plante dont le Maroc est le premier producteur mondial -, et a estimé que la nouvelle loi pourrait «réduire l'activité des trafiquants de drogue». Mais alors que la loi est en cours de finalisation, a-t-il ajouté, la stratégie de lutte contre le trafic de drogue reste «constante». Cette fermeté a empêché les cartels de trafic de cocaïne d'Amérique latine de pénétrer et de créer ici une plate-forme de transit vers l'Europe en profitant des canaux de haschich existants. M. Cherkaoui a affirmé qu'il existe des «contacts» entre les cartels latino-américains et les barons marocains, mais ils n'ont abouti qu'à l'utilisation occasionnelle d'entrepôts où les cartels de cocaïne stockent leurs marchandises. Le chef du BCIJ – dont les équipes ont saisi ces six dernières années 59,9 tonnes de haschisch et 5,3 tonnes de cocaïne – assure que les trafiquants de drogue n'ont pas réussi à «trouver un refuge» au Maroc car «le pays a bien sécurisé ses frontières».