La nomenclature des voies urbaines de quelques villes marocaines, subissent, depuis un certain temps, une main basse inédite. Le PJD; dans une action incomprise, tente d'évacuer le traumatisme de la mort d'Abdellah Baha en donnant son nom à une rue casablancaise. L'apposition sur les murs des villes marocaines de plaques aux noms étranges qui ne cesseront de susciter le commentaire continue. Après les appellatifs palestiniens à Agadir et les noms salafistes à Témara, vient «Rue Abdellah Baha», préfecture El Fida, à Casablanca, du nom de l'ancien secrétaire général adjoint du Parti justice et développement (PJD, islamiste) qui mène la coalition, ex-ministre de l'Etat et éminence grise d'Abdel-lah Benkiran, qui a trouvé la mort au pont Hammou qui relie les deux rives du fleuve Oued Cherrat en 2014. Un hommage public manifeste et massif, qui émane de la majorité municipale d'obédience islamiste. Encore une fois, le parti au pouvoir s'empare du champ toponymique pour opérer un marquage essentiellement idéologique et accessoirement mémoriel du territoire. L'activité officielle de régulation toponymique, depuis que le PJD est aux affaires, reflète l'affirmation de certaines tendances communautaristes. Pourquoi rue Abdellah Baha ? On ne sait. Le PJD aspire à la mise en place d'un nouvel ordre territorial qui érige un cadre radicalement nouveau. Un ordre qui impose une logique de rupture, de contrôle et de repli, produit une néotoponymie qui valorise l'appartenance à un parti politique. Les noms des nouvelles rues, selon nos sources, sont établis par un processus hâtif. Il s'agit pour le PJD de s'approprier le territoire municipal. Les référents mobilisés dans les opérations de nomination de nouvelles entités par le PJD constitue l'amorce d'une épuration toponymique qui s'accompagne, tacitement, d'un processus de conquête visant la légitimation d'une présence et d'un marquage identitaire. La politique dénominative des villes marocaines dirigées par le PJD ne paraît pas soumise à la législation et à l'approbation des autorités compétentes. Cette politique néglige d'une part l'histoire locale et, dans une seconde part, l'histoire du pays. La parole d'autorité du PJD, depuis 2012, a continuellement baptisé les rues marocaines en sélectionnant des anthroponymes plutôt masculins, polémiques, et largement inconnus du grand public. Le parti islamiste ordonne l'espace urbain , pousse vers l'uniformisation des odonymes. Depuis 2018, les controverses autour des changements de noms sont particulièrement virulentes. La stabilité toponymique marocaine est en butte à des coups de boutoir de plus en plus insupportables portés par les tenants du communautarisme et de la fragmentation socioculturelle. A cause du PJD, elle constitue depuis quelque temps le terrain d'affrontement par excellence autour des questions spatiales et identitaires.