Pour nombre de défenseurs des droits de l'Homme la liberté de la presse et d'expression se dégrade en Algérie, sur fond de suspension du mouvement populaire (hirak) anti-régime et de crise sanitaire, avec des journalistes en détention et la censure de médias en ligne. À l'occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, plusieurs ONG et partis ont exhorté les autorités algériennes à mettre fin aux poursuites judiciaires et à libérer les journalistes emprisonnés, dont Khaled Drareni, devenu à son corps défendant symbole du combat pour la liberté de la presse. «À un moment où tous les regards, au niveau national et international, scrutent la gestion de la pandémie de Covid-19, les autorités algériennes consacrent du temps à accélérer les poursuites et les procès contre des militants, des journalistes et des partisans du mouvement du hirak», a déclaré jeudi Heba Morayef, directrice d'Amnesty International pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord. Les défenseurs de la liberté d'expression dénoncent également le «harcèlement ciblé des médias indépendants», dont certains sont accusés par les autorités d'être financés par des «organisations étrangères». Trois médias en ligne algériens, actifs dans la couverture du hirak, ont été la cible de censure : deux sites du groupe Interface Médias, Maghreb Émergent et la radio Web Radio M, et le site d'information généraliste Interlignes. Soulèvement pluriel et pacifique, le hirak, qui a éclaté le 22 février 2019, a ébranlé le pouvoir algérien jusqu'à la suspension de ses manifestations hebdomadaires en raison de la pandémie de nouveau coronavirus (453 morts et 4 154 cas déclarés officiellement). « Alors que la pandémie de Covid-19 nous fait basculer dans l'inquiétude et l'incertitude, l'information libre nous est essentielle pour faire face à la crise, la comprendre, la penser et la surmonter, la gouvernance algérienne par essence autoritaire se positionne carrément à contre-courant de la promotion des libertés en général et de la liberté de la presse en particulier », a accusé samedi dans un communiqué le Front des forces socialistes (FFS). Les autorités démentent toute entrave, assurant au contraire, par la voix du ministre de la communication, Ammar Belhimer, un ex-journaliste, que l'État algérien soutient «puissamment» la liberté de la presse. L'Algérie figure à la 146e place (sur 180) du classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par RSF. Elle a dégringolé de 27 places par rapport à 2015 (119e). Pour Me Bouchachi, un ancien président de la Ligue algérienne des droits de l'homme (LADH), il n'existe «pas de volonté réelle d'aller vers un changement, une ouverture et un État de droit». «Le pouvoir en place n'a pas la volonté de réconcilier les Algériens et d'aller vers une autre Algérie. Au contraire, c'est le statu quo», a-t-il déclaré.