Le 24 juillet, une famille de 15 personnes périssait sous l'éboulement d'un pan de montage, sur la route nationale 7 entre Ijoukak et Asni. Les passagers se rendaient bien en avance chez leur familles respectives afin de fêter Aïd Al Adha et d'éviter les bouchons des jours fériés. Un Aïd qu'ils ne vivront pas à cause d'une route mal équipée et mal aménagée entravant même le travail de secours. Juste après le drame d'El Haouz, la route nationale n°9, du col Tiz n'tichka, a été largement inondée le 9 août, comme souvent : les usagers ont été bloqués pendant des heures avant de pouvoir enfin reprendre la route. Les inondations ont également provoqué des glissements de terrain et des éboulements, qui, heureusement, n'ont fait aucune perte. Les pluies torrentielles ont certes induit ces deux incidents, mais est-ce seulement la faute aux aléas climatiques ? Pourquoi les montagnes mitoyennes à des routes aussi empruntées et aussi sujettes à des glissements de terrain n'ont pas été sécurisées ? Dans le lot de réactions, le ministère de l'Intérieur et le ministère de la Santé se sont exprimés. Cependant le département de Najib Boulif, Ministre délégué chargé du Transport, hautement concerné, a brillé par son mutisme. Rappelons dans ce cadre que le réseau routier national totalise une longueur de 57.334 km, dont 43.318 km revêtus soit 76% des routes et 14.016 km aménagés ou à l'état de pistes soit 26% du réseau. Ces routes-là nécessitent pour la plupart une mise à niveau, puisqu'elles datent d'au moins 50 ans, et que beaucoup d'entre elles n'ont pas été aménagées selon des standards de sécurité, à l'instar des autoroutes, notamment celles qui sont soumises à de sévères conditions climatiques et géophysiques. Les routes rurales en particulier représentent un déficit et un véritable retard en termes d'infrastructures. Et pour cause, elles manquent de financement. Le budget de l'Etat pour les routes était de 6,5 milliards en 2017, une coquette somme en apparence, mais qui est en réalité apparentée à plusieurs déficits. Les finances publiques sont sous pression et l'endettement des entreprises publiques opérant dans l'aménagement routier est alarmant. Lors de nombreuses de ses allocutions, le Secrétaire d'Etat chargé du transport, Najib Boulif, se plaît à expliquer les accidents d'en la rouge par l'excès de vitesse et le non respect du code de la route, qui sont certes, de grands facteurs dans certains cas. Par exemple, quand au mois d'Avril, trois accidents meurtriers sont survenus dans les régions de Kénitra, Taroudant et Agadir, emportant une quinzaine d'ouvrières agricoles : plusieurs associations ont dénoncé l'état piteux et l'absence de sécurité des moyens de transport de ces ouvrières. M. Boulif s'est contenté d'attribuer ces incidents à la vitesse, encore une fois, avant d'annoncer la création d'un nouveau cahier de charges pour le transport des ouvriers agricoles. Un peu plus tôt en 2015, 30 enfants, futurs athlètes, sont morts brûlés vifs avec leur coach à Tan Tan, lorsque leur bus CTM est entré en collision avec un camion de transport sur la route nationale n°1. Face à ce drame, la société civile et plusieurs associations ont dénoncé le très mauvais état de la route, et encore une fois, Najib Boulif n'a rien voulu admettre, défendant férocement l'état d'une route connue piteuse de tout le monde. Boulif, aime saluer les réalisations du Maroc dans ses déclarations, des réalisations que certes, il est impossible de nier et d'invalider. Mais ce sont des incidents comme ceux d'El Haouz et de Tan-Tan qui révèlent des failles profondes et enfouies dans des régions du Maroc. Des failles que son département ne traite pas, dont on procrastine les chantiers, ou dont on redirige les budgets, peut être parce qu'elles sont moins médiatisées, moins touristiques, ou moins prêtées au regard international ? Après tous ces drames et toutes ces vies perdues, quelles mesures ont été entreprises par le département de Boulif? Pour l'instant, il n'y a pas vent de grand chose. Pourtant, ce drame est surtout une alerte sur l'état des routes nationales, auxquelles on prête moins d'attention. Pour le drame d'El Haouz, de véritables mesures auraient dû être entreprises sur place, dont l'installation d'un filet de sécurité sur le pan de la montagne donnant sur la route, ou la surveillance des routes qui risquent d'être barrées par des éboulements, étudier les risques potentiels et sortir avec des solutions de gestion. Il incombe au ministère d'induire de fortes exigences en matière de sécurité comme d'accessibilité, et ce sur toutes les routes, aussi isolées soient-elles ainsi que de rassurer les citoyens et se déplacer sur les lieux des drames quand ils se produisent pour se solidariser avec les familles des victimes.