Le Club des magistrats du Maroc n'a pas failli à sa promesse de battre le pavé devant la Cour de cassation. A la suite de son engagement la semaine dernière d'organiser un sit-in devant la Cour de cassation et malgré l'heure matinale, une centaine de juges venus de quasiment toutes les régions du Royaume ont de nouveau clamé, samedi à Rabat, leur ras-le-bol de ce qu'ils considèrent comme des ingérences flagrantes de l'Exécutif dans l'exercice de leur fonction. Ces magistrats, dont certains sont des présidents de tribunaux, ont réaffirmé leur souhait d'indépendance vis-à-vis d'un ministère qu'ils jugent de plus en plus envahissant. Ils se sont prononcés en faveur de la rupture des liens fonctionnels qui font des juges des subordonnés de membres de l'Exécutif. Pour Mohamed Anbar, vice-président du Club, cette subordination est préjudiciable à l'efficacité de la justice et seule l'indépendance de l'appareil judiciaire est capable de renverser la vapeur et de garantir de meilleurs jugements. Le magistrat qui a dit l'unanimité de ses pairs vis-à-vis de la tutelle du ministère a déclaré que le sentiment de refus qui les anime est si réel que la liste des signataires du mémorandum pour l'indépendance de la justice s'allonge chaque jour de noms de contestataires qui viennent spontanément dire leur adhésion au principe des tribunaux libres. Il a estimé qu'il est inconcevable, après l'adoption de la Constitution de juillet qui proclame la séparation des pouvoirs, que le judiciaire reste inféodé à l'Exécutif. Cette tutelle administrative ouvre la voie aux abus, a-t-il déclaré. Interrogé sur ce que peuvent être ces anomalies, il a cité la politisation, phénomène qui, selon lui, amène «un responsable à mettre les objectifs de son parti au-dessus de l'intérêt général et d'une justice équitable, saine et efficace». Mohamed Anbar a, en outre, estimé que les procès intentés à certains magistrats – à Tanger et Béni Mellal en particulier- sont entachés d'irrégularités, voire fabriqués de toutes pièces pour inciter les magistrats à entrer dans le rang. «Il est curieux, a-t-il déclaré, que le flagrant délit ait été établi dans ces affaires de façon ostentatoire dans des espaces publics alors qu'il aurait été plus naturel de marquer les billets et d'arrêter les présumés contrevenants en possession du corps du délit». Pour lui, ces affaires ne sont pas assez nettes. A une autre question sur ce à quoi il faut s'attendre après le sit-in devant la Cour de cassation, le vice-président du Club des magistrats du Maroc n'a pas exclu «des formes de revendications plus parlantes». Il a toutefois déclaré «que c'est au conseil national du mouvement de se prononcer sur le sens à donner aux prochaines étapes de la lutte». Dans un document distribué lors du sit-in, le Club des magistrats du Maroc revendique une «indépendance réelle de la justice en application de l'article 7 de la Constitution s'agissant notamment des lois organiques relatives au Conseil supérieur de la justice et au statut des magistrats» qu'il souhaite assujettir à un certain nombre de principes qualifiés par lui d'incontournables. Parmi ces principes directeurs figure celui de la transparence et de l'égalité des chances. Vient ensuite celui du non recours à la mutation comme moyen de pression sur les juges. Le Club demande, par ailleurs, l'abolition de la notation des magistrats par la hiérarchie directe et accorde la plus grande importance à l'indépendance de l'instruction vis-à-vis du Parquet. Le document préconise enfin de soumettre «les services de la police judiciaire à l'autorité du Parquet pour ce qui est de leur notation et à celle des Chambres pénales pour ce qui se rapporte à leur sanction».