Le vent de contestation continue à souffler sur le système judiciaire national. Après le débrayage des greffiers dans l'ensemble des palais de justice la semaine dernière, le Club des magistrats prend le relais. Cette association professionnelle comptant près de 2600 magistrats appelle les juges du Royaume à participer à un sit-in national samedi 6 octobre devant la Cour de cassation à Rabat. Les revendications du club se résument dans un document intitulé «La dignité et l'indépendance réelle et effective du pouvoir judiciaire», on cite: l'application démocratique des dispositions de la Constitution stipulées dans le titre VII «Du pouvoir judiciaire, de l'indépendance de la justice», notamment en ce qui concerne les lois organiques du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, le statut des magistrats. Des lois qui tardent à venir et dont la tendance de l'actuel gouvernement pour leur élaboration ne satisfait pas les magistrats et augure d'une «instrumentalisation politicienne», estime Yassine Moukhli, président du Club des magistrats du Maroc. Aussi le club s'attache fermement à la mise en œuvre du contenu du discours de Sa Majesté le Roi du 20 août 2009, «véritable feuille de route pour la consécration de l'indépendance de la justice», souligne M. Moukhli. Par plusieurs propositions, le club appelle au respect de la dignité des juges et leur intégrité, ainsi qu'à interdire tout dénigrement à leur égard et la mise en place de moyens matériels et logistiques pour que les juges puissent accomplir leur mission comme il se doit. Figure également parmi les principales requêtes, l'amélioration de leur situation matérielle afin de faire face à la corruption qui gangrène le secteur. Rappelons dans ce sens que le ministère de la justice avait relevé en avril dernier plus de 4.000 cas de corruption impliquant des juges, magistrats ou autres corps de la magistrature qui ont été présentés devant les tribunaux marocains en 2011. «Le but de nos protestations n'est pas seulement d'améliorer la situation matérielle lamentable des magistrats, comme pourraient le penser certains, mais elles ont pour but de défendre la dignité et l'indépendance de la justice, principes qui concernent toute la société et pas seulement les juges», lit-on dans ce document. Par ailleurs, l'ambition des magistrats pour ce sit-in n'a d'égal que leur colère, leurs inquiétudes face à la régression du système judiciaire marocain, sont amplifiées par l'attitude exclusive de l'actuel ministre de la justice: «Le sit-in de ce 6 octobre restera dans les annales de l'histoire de la justice non seulement au niveau national, mais également international. On prévoit la participation de l'ensemble des magistrats du Royaume, nos sondages le confirment», a déclaré à ALM Yassine Moukhli. Ce dernier indique que par rapport à l'attitude des responsables du gouvernement, «au lieu d'ouvrir un dialogue conformément aux méthodes de la démocratie et prendre au sérieux nos revendications, le ministère se borne à nous ignorer et nous exclure», déplore le président du Club des magistrats. Et d'ajouter : «Nos revendications sont justes, légitimes et constitutionnelles, également conformes avec l'ensemble des conventions internationales. Pourtant jusqu'à ce jour, nous n'avons reçu aucun signe encourageant de la part du ministère pour répondre et interagir avec nos revendications». Appelés à plusieurs reprises par ALM, les responsables du ministère de la justice n'ont pas voulu réagir au sujet, avançant l'occupation du ministre lors de la commission mixte maroco-espagnole tenue hier.