En juin dernier, une association avait déposé une plainte en justice contre la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale (CNOPS). Il s'agit de l'association qui défend les personnes atteintes de la polyarthrite rhumatoïde (AMP). Motif de la plainte : le rejet par la CNOPS de dossiers de remboursement des malades, son refus de mettre de nouveaux médicaments sur la liste des médicaments remboursés et aussi disent les responsables de l'association des ruptures de stocks répétitives de certains médicaments au niveau de la pharmacie centrale de la CNOPS. Jusque-là rien d'anormal. Une association telle que l'AMP est parfaitement dans son rôle. La défense des malades suppose des actions de sensibilisation mais également du plaidoyer et de la pression. D'un autre côté, et comme cela se fait partout ailleurs, une association telle que l'AMP ne peut évidemment pas survivre sans l'aide et les dons de bienfaiteurs et de sponsors. Pour le cas d'espèce précisément, on trouve parmi les entreprises sponsors un nom: le laboratoire Roche. Or il se trouve justement que ce laboratoire fabrique le médicament autour duquel se déroule toute la bataille : le Mabthéra. En fait, pour le laboratoire Roche, ce sont des centaines de millions de dirhams qui sont en jeu. Selon les statistiques de la CNOPS qui délivre ce médicament à ses assurés à travers sa pharmacie centrale, le Mabthéra a coûté à la Caisse 215 MDH en 2008, 400 MDH en 2009 et 423 MDH en 2010. Il faut rappeler qu'il s'agit du chiffre d'affaires généré pour le laboratoire Roche. Mais en 2011, face à cette montée anormale de la consommation de ce médicament, la CNOPS avait décidé de procéder à un suivi et un contrôle plus rigoureux des dossiers des malades traités au Mabthéra. Le résultat a été immédiat : alors que pour les 6 premiers mois, de 2011, la Caisse avait dépensé déjà presque 300 MDH, la demande sur le médicament s'est brusquement effondrée pour ne pas dépasser 130 MDH pour le deuxième semestre. Pour les 6 premiers mois de 2012, la tendance à la baisse est toujours maintenue puisque les médecins n'en ont pas prescrit pour plus de 120 MDH. Etonnamment, c'est en juin 2011 que l'AMP signe un contrat avec le laboratoire Roche qui s'engage à soutenir financièrement l'association dans ses diverses activités. Le laboratoire commence par mettre 400.000 DH sur la table. .../... .../... L'AMP de son côté entame une vaste campagne médiatique pour dénoncer le préjudice que subissent les malades à cause des agissements de la CNOPS. Entre autres revendications, l'association demande aussi à la Cnops d'inscrire sur la liste des médicaments pris en charge un autre produit à la place de Mabthéra mais qui se trouve également être le produit du laboratoire Roche. La campagne de l'AMP est même confiée à une agence de communication professionnelle de la place. Des conférences de presse, des communiqués, des plaidoyers, des dossiers de presse… tout est à la charge de Roche. D'ailleurs le laboratoire a reconduit, pas plus tard qu'en juin dernier, un nouveau contrat de soutien pour l'AMP pour un total de 228.000 DH. Pour une source au ministère de la santé, «de telles relations entre des industriels qui défendent leurs intérêts mercantiles et des associations de malades sont dangereuses». Un avis que partagent parfaitement les membres de la commission d'enquête parlementaire qui écrivent clairement dans les pages 51 et 52 de leur rapport final : «Un collectif composé de l'Association SOS Hépatites, l'association «Reins», l'association marocaine de lutte contre la polyarthrite rhumatoïde (AMP)… demande une meilleure prise en charge par l'AMO des médicaments nécessaires au traitement des maladies des patients qu'elles défendent. Ces quatre médicaments sont vendus par la même entreprise pharmaceutique». Allusion est faite à Roche bien sûr. Plus loin le rapport énonce : «Les manifestations de ces associations sont menées par une société de relations publiques et lobbying qui est le correspondant d'une entreprise suisse de lobbying qui, à son tour, compte parmi ses plus gros clients, le laboratoire Roche». Et le rapport de conclure: «Cela illustre la manière dont, au nom d'un collectif noble et du souci légitime des malades d'accéder aux soins, une association de malades peut être instrumentalisée par une entreprise pharmaceutique pour atteindre des objectifs commerciaux». Joints par Aujourd'hui Le Maroc à plusieurs reprises, les responsables du laboratoire Roche n'ont pas souhaité répondre à nos questions. Quant à la présidente de l'association AMP, Leila Najdi, elle a confirmé la relation avec le laboratoire Roche mais s'est abstenue de nous livrer le montant global du soutien financier du laboratoire et encore moins ce qu'il pèse dans le budget global de l'association. Ce qui ne lève en rien les soupçons qui semblent peser aujourd'hui sur Roche quant à la manipulation des associations de malades.