ALM : Comment expliquer cette polémique sur le temps de parole accordé au chef de gouvernement et aux partis politiques représentés à la Chambre des conseillers ? Abderrahim Manar Sellimi : Je pense qu'il faut revenir à la première séance mensuelle de questions qui s'est déroulée devant la Chambre des représentants. A mon avis, l'arrangement conclu entre le gouvernement et les groupes parlementaires de la première Chambre fut une erreur. La décision entre les deux parties de partager à parts égales la durée de la séance, a violé la procédure. En effet, la répartition du temps de parole se fait normalement sur la base de la représentation proportionnelle. De même, c'est le règlement intérieur de la Chambre parlementaire concernée qui détermine le temps de parole pour les questions des parlementaires et les réponses du chef de gouvernement.
Cette situation qui retarde le passage du chef de gouvernement était-elle inévitable ? Le problème principal réside dans le choix des responsables de privilégier les arrangements et les solutions consensuelles en dehors des procédures. C'est ce qu'on appelle au Maroc la démocratie consensuelle qui peut parfois violer les procédures en vigueur. A mon sens, nous sommes face à un véritable chaos en l'absence de règlements. Il existe un vide dans le règlement intérieur de la Chambre des conseillers concernant les modalités et la répartition du temps de parole dans la séance mensuelle prévue par l'article 100 de la nouvelle Constitution. A titre d'exemple, le temps des questions des parlementaires et la durée de la réponse des ministres obéissent aujourd'hui à des normes. En l'absence de règlements qui déterminent le temps de parole des partis et du chef de gouvernement, la séance de questions se transformera en une séance de plaidoiries de part et d'autre. Il faut s'attendre au même cafouillage à chaque fois que le chef de gouvernement vienne au parlement en raison du vide juridique.
Faut-il voir dans ce blocage un quelconque bras de fer politique entre opposition et majorité ? Il faut préciser que la démocratie consensuelle provoque souvent des situations chaotiques ce qui est très dangereux. Cela dit, je pense que les membres de la Chambre des conseilles ont dû remarquer que le chef de gouvernement a profité de son premier passage à la Chambre des représentants pour adresser son discours directement aux citoyens oubliant qu'il répondait aux questions des députés. Les responsables peuvent éviter toutes ces querelles en se référant au règlement intérieur. Or, il existe un vide sur ce plan. On s'attendait à ce que la Chambre des conseillers prenne l'initiative pour adapter les dispositions de son règlement intérieur avec la nouvelle Constitution. Ce retard qui peut durer encore des mois, est dû à un phénomène au Maroc lié à la difficulté des deux Chambres parlementaires dans l'élaboration de leurs règlements intérieurs.