Ce que tout le monde appréhendait, à trois mois de sa forma-tion, l'équipe gouverne-mentale commence déjà à montrer des signes d'hétérogé-néité et de dissonance. L'affaire de la publication de liste des agréments, ou celle des critiques de ministres PJD contre Mawazine et d'autres festivals avaient mis dans l'embarras d'autres ministres. Les divergences de point de vue sont même à l'origine du retard dans l'élaboration de la loi de Finances. Et ce, à cause du manque d'homogénéité notamment entre le ministère des finances dirigé par un istqlalien et le ministère chargé du Budget chapeauté par le PJdiste. Les membres de la majorité gouvernementale l'avouent eux-mêmes : «Il est vrai qu'on a enregistré quelques positions divergentes entre les membres de l'Exécutif qui peuvent dérouter les observateurs de la scène politique, mais celles-ci peuvent être dépassées par un respect stricte du pacte de la majorité et de la déclaration gouvernementale», a déclaré à ALM Rachid Roukban chef du groupe parlementaire du PPS. Selon lui, pour éviter toute polémique, les grandes mesures de l'Exécutif doivent être prises dans le cadre du Conseil de gouvernement et non de manière individuelle. «Le gouvernement est aujourd'hui tenu de travailler de manière homogène en tant qu'une seule et même unité et ce dans le cadre d'une nouvelle Constitution qui garantit au chef de gouvernement des pouvoirs plus précis et plus élargis», a souligné M. Roukban. Par ailleurs, plusieurs observateurs de la scène politique voient que ce manque d'homogénéité sera le talon d'Achille de la coalition gouvernementale lors des élections communales. D'autant plus que des divergences entre les partis de la majorité ont déjà éclaté au grand jour dans quelques communes, notamment à Oujda. Et l'opposition construit déjà l'argumentaire de sa campagne communale sur ce manque de cohésion de la majorité: «L'incohérence au sein de la majorité était prévisible parce que celle-ci a dès le départ été formée par des partis aux antipodes au niveau de l'idéologie, la vision des choses et l'approche, notamment le PJD, un parti qui prône la rupture et des partis qui représentent la continuité des anciens gouvernements», a indiqué Milouda Hazib, membre du bureau politique du PAM. Selon elle, le PJD a toujours agi et raisonné comme un parti d'opposition et n'a pas été structuré dans le cadre d'une logique d'alternance au pouvoir. «Cela lui prendra donc du temps avant de s'adapter à son nouveau rôle et que chaque parti trouve sa place». Et d'ajouter : «Et ce sont les Marocains qui en payeront le prix à travers, entre autres, une loi de Finances en retard et en plus de manquer de consistante et de vision à long terme». Par ailleurs, pour M. Roukban, l'Exécutif doit prendre exemple sur la majorité parlementaire. Selon lui, celle-ci prend les décisions de manière coordonnée. Et ce, à travers un mécanisme de concertation constitué des chefs des groupes parlementaires (Istiqlal, PPS, PJD et MP). «Cette cohésion s'est traduite par la discipline des parlementaires lors des votes pour l'élection du président du Parlement, le vote pour la déclaration gouvernementale, l'organisation de la journée d'étude parlementaire», souligne M. Roukban. Rappelons parmi les réactions à contre-courant au sein du gouvernement, celle émanant de Nabil Benabdellah, ministre de l'habitat. Ce dernier avait critiqué la méthode par laquelle Aziz Rabbah, ministre de l'équipement, a publié cette liste des agréments. D'autres ministres se sont retrouvés dans une mauvaise posture par une telle mesure les obligeant à suivre le mouvement, et dévoiler les bénéficiaires du système de rente dont peut être responsable leur département.