L'Alliance de la gauche démocratique (AGD) justifie sa position par la divergence des points de vue entre les partis de gauche au sujet de la conjoncture politique tandis que le Parti travailliste estime que cette initiative n'aurait aucun impact sur le moyen et le long termes. L'unification de la grande famille de gauche n'est pas pour demain. Les tentatives de certaines composantes de la gauche de mettre sur pied une alliance en prévision des prochaines élections sont tombées à l'eau. L'initiative du groupement des cinq partis, à savoir l'USFP, le PPS, le PS, le FFD et le PGV, consistant à vouloir unifier la gauche n'a pas trouvé un échos favorable auprès des autres partis de la même obédience idéologique. En effet, l'Alliance de la gauche démocratique composée du PSU, du PADS et du CNI et le Parti travailliste ont décliné l'invitation des cinq partis qui leur a été adressée vers la fin de la semaine dernière. Les quatre partis ont été appelés à prendre part à une réunion de concertations qui devait avoir lieu hier lundi 29 août. Rappelons que les cinq partis, qui avaient tenu une première réunion, mardi 23 août, avaient chargé Abdelmajid Bouzoubaâ, SG du PS et Habib El Malki, membre du bureau politique de l'USFP, de nouer des contacts avec les autres composantes de la gauche, les incitant à rejoindre cette initiative. Lors de cette réunion de lundi, les cinq partis devaient examiner les perspectives de l'action commune conformément aux recommandations qui devaient être établies par la commission technique mise en place par les cinq partis. Les raisons invoquées par l'AGD et le PT pour rejeter l'invitation du groupement des cinq se rapportent à deux éléments principaux : la divergence des visions et le facteur temps. A l'heure où l'AGD estime que les partis de gauche adoptent des positions contradictoires au sujet de la nouvelle Constitution et de l'étape de la transition démocratique en cours, ce qui rend l'alliance peu probable, le parti de Abdelkarim Benatik précise que cette initiative n'aurait aucun impact et qu'elle intervient tardivement. «Le cadre proposé pour cette alliance n'est pas convaincant. La situation a changé après le 20 février. Il ne faut pas perdre de vue cette donne», souligne Mohamed Moujahid, secrétaire général du PSU. «Il est difficile pour ces partis de mettre en place une alliance. Il s'agit d'une initiative qui vise des objectifs conjoncturels et qui tend à faire passer des messages ni plus ni moins», indique M. Moujahid. «Nous sommes toujours prédisposés à entamer des concertations avec nos partenaires, mais nous avons refusé de prendre part à cette réunion. Cette initiative ne remplit pas les conditions du succès et de la continuité», ajoute-t-il. Et de préciser que «nous entreprenons de bonnes relations avec l'USFP, le PPS et le PS, mais nous n'avons pas de rapports avec les autres partis». A noter que l'AGD qui soutient le Mouvement du 20 février avait appelé les citoyens à boycotter le référendum constitutionnel du 1er juillet dernier. Ainsi, cette position diffère fondamentalement de la position de l'USFP ou du PPS qui avaient salué le contenu de la nouvelle Constitution et avaient appelé à voter «Oui». Le PSU, qui a décliné l'invitation du groupement des cinq partis de gauche, appelle par ailleurs la famille de la gauche à se ressaisir et à se remettre en question en fonction des derniers développements dans la région arabe. «La gauche risque d'être en marge des bouleversements que connaît le monde arabe. Les gauchistes sont appelés à entamer un débat de fond au sujet de ces développements. La gauche est appelée à se repositionner et à définir de nouveau son rôle dans la société. La politique de fuite en avant est contre-productive», indique-t-il. Le PSU avait appelé en 2009 à la mise en place d'une fédération de la gauche englobant tous les partis de cette famille. Une initiative qui est restée lettre morte. Ceci dit, le Parti travailliste estime, pour sa part, que cette initiative est intervenue tardivement. «C'est déjà trop tard. Nous devions entamer cette initiative bien avant le lancement du processus d'examen des lois électorales», indique Abdelkarim Benatik, secrétaire général du PT. «Ce groupement n'aura aucun impact sur le moyen et le long termes. Nous devions présenter ensemble des modifications des textes pour changer le mode de scrutin actuel qui n'est pas favorable aux alliances», ajoute M. Benatik. Et d'affirmer que «nous ne pourrons pas présenter des listes communes avec le mode de scrutin actuel. Nous devions peser sur les concertations avec l'Intérieur pour prévoir le mode de scrutin à deux tours». «Dans l'état actuel des choses, nous préférons au PT de se consacrer pleinement aux préparatifs des prochaines élections législatives», fait-il savoir. Le Parti travailliste souligne, par ailleurs, qu'aucun différend avec l'USFP n'est à l'origine de sa position à l'égard du groupement USFP-PPS-PS-FFD-PGV. Cela dit, la position prise par l'AGD et le PT n'a pas eu d'effet de surprise sur les dirigeants de l'USFP et des autres partis. Les initiateurs de ce groupement sont conscients des obstacles entravant l'unification de la famille de la gauche. A l'heure où Abdelouahed Radi, premier secrétaire du parti de la rose, s'est abstenu de réagir à la position de l'AGD et du PT signalant que cette question devra être débattue au préalable dans le cadre du bureau politique du parti, Hamid Jmahri est revenu sur les raisons de l'échec de cette initiative. «Il ne fallait pas s'attendre à grand-chose, à savoir la mise en place d'une alliance ou d'une coalition. Dans le cadre de la réunion de mardi dernier, il n'y avait pas de mot d'ordre. C'était juste pour échanger les idées», explique ce membre du bureau politique de l'USFP. «Après l'annonce de la réforme constitutionnelle, il y a eu des écarts énormes entre les partis de gauche. Certains ont approuvé la nouvelle Constitution et d'autres ont appelé au boycott. Ainsi, dès le départ, il y a des positions diamétralement opposées», ajoute-t-il. «Cette initiative relève beaucoup plus de la nostalgie idéologique de la gauche que d'un acte politique conséquent. C'est uniquement de la courtoisie», relève M. Jmahri. Cet uspéiste estime, par ailleurs, qu'il fallait procéder de façon bilatérale pour tenter d'unifier progressivement la gauche au lieu de cette démarche collective. Ainsi, nonobstant la position de l'AGD et du Parti travailliste, le groupement des cinq partis affirme qu'il demeure un cadre ouvert et que les autres partis peuvent le rejoindre à tout moment. «A ma connaissance, les autres partis étaient d'accord. En principe, c'était juste une question de timing. Ceci dit, le groupement des cinq partis reste ouvert à tous les partis de gauche et nous allons continuer à travailler dans ce sens», précise Thami Khiari, secrétaire général du FFD. Ainsi, à l'heure où la dynamique des rapprochements entre les partis bat son plein à l'approche des élections législatives, la gauche marocaine peine à tenter de retrouver son rôle de premier plan sur la scène politique nationale. La gauche est consciente du fait que le chantier de l'unification exige aujourd'hui et plus que jamais l'approfondissement du débat et la mise en place d'initiatives beaucoup plus concrètes et réalistes. Mais, en attendant, les observateurs de la scène politique estiment que le rêve de la grande gauche unifiée n'est pas encore réalisable dans l'état actuel des choses à partir du moment où les conditions de l'unification de la gauche ne sont pas encore réunies.