Le conseil de la concurrence est en attente du texte de loi organique qui va désormais régir ses activités. Abdelali Benamour revient sur les principales revendications de son Conseil. ALM : Où en est le projet de loi organique sur le Conseil de la concurrence? Abdelali Benamour : Le projet de loi organique sur le Conseil de la concurrence amendant la loi 06-99 est maintenant entre les mains du secrétariat général du gouvernement. Ce projet a fait l'objet d'un examen avec le ministère chargé des affaires économiques et générales pour que l'on parvienne ensemble à un accord sur les points se rapportant aux aspects décisionnels et de plaidoirie. Nous nous sommes mis d'accord et maintenant c'est le gouvernement qui va trancher sur la question. Etes-vous optimiste quant à l'adoption de ce projet de loi dans son intégralité? Je crois que vu la tournure qu'ont pris les discussions sur les revendications légitimes du Conseil de la concurrence, et à la lumière de l'audience qui nous a été accordée, lundi 12 avril dernier, par Sa Majesté le Roi Mohammed IV, je ne peux que rester optimiste. En plus, avec la constitutionnalisation du Conseil de la concurrence, il est normal de voir ses prérogatives élargies. Quels sont les points que vous avez traités lors des discussions visant l'élaboration du projet de loi? Il faut savoir que les revendications du Conseil de la concurrence n'ont pas vraiment changé. Nous avons donc traité d'un premier point qui est l'indépendance du Conseil. Cela est indispensable pour nous et nous comptons le mettre en œuvre à travers une nouvelle composition du Conseil. Ensuite, il s'agit de modifier le caractère général de la compétence du Conseil. En troisième lieu, nous avons discuté la dimension décisionnelle de l'institution. Cette dimension est importante dans la mesure où le Conseil est, au fait, comme un arbitre lors d'un match où il y a des règles de jeu, soit les règles de la concurrence, les joueurs ce sont les entreprises. L'arbitre n'est pas contre le jeu en soi, à savoir le marché économique, au contraire, il est pour sa dynamisation. Cependant, il doit veiller au strict respect des règles. Ensuite, vient la possibilité ou le droit d'auto-saisine. Et enfin un point très important, d'ailleurs, ils le sont tous, qui est de la possibilité d'enquêter sur les questions équivoques : avoir le pouvoir d'enquête, permettra au Conseil d'aller enquêter quand il y a un problème. Actuellement, rien n'oblige les entreprises à recevoir nos rapporteurs. Et quand il s'agit d'une enquête avancée, nous sommes tenus de faire une demande auprès du ministère des Affaires économiques et générales. Et là encore, l'entreprise n'est pas tenue par des délais de réponse, et le ministère en soi n'a pas la possibilité d'exiger des réponses des entreprises. C'est dans ce sens que le Conseil demande le droit d'accès aux dossiers et aux informations. Quelle est alors la nouveauté dans vos revendications? La principale nouveauté est qu'il y a un sixième point que nous avons mis à jour. Il s'agit d'une fonction classique qui en anglais porte le nom de «advocacy». C'est un principe international qui veut que le Conseil de la concurrence ait un droit de dénoncer les pratiques anticoncurrentielles du gouvernement. En effet, les délits de concurrence ne sont pas l'apanage des entreprises. Il se peut que des fois, lors d'un appel d'offre du gouvernement, certaines conditions pour la souscription peuvent être préférentielles et écarter d'autres entreprises arbitrairement. Il s'agit là d'un exemple et je vais en citer d'autres pour mieux vous éclairer. Dans ce sens, il y a également les aides de l'Etat. Ces aides sont normalement justifiées et là il n'y a aucun problème, mais des fois, il s'agit d'aides indues et préférentielles et c'est là que nous devons réagir. En dernier exemple, je citerais les autorisations de licence d'exercice. Les autorités concernées peuvent procéder à des rentes indues au profit de certains et au détriment d'autres. Il faut, dans ce cas, que la partie lésée puisse revendiquer son droit à la concurrence légale. Quelle sera la marge de manœuvre du Conseil dans ce sens? L'advocacy permettra au Conseil d'observer ce genre de situations et de rédiger un rapport qui sera rendu public. C'est bien là les seules prérogatives que peut revendiquer le Conseil dans ce sens. Le gouvernement n'est pas une entreprise sur laquelle on peut avoir une autorité. Aussi, maintenant que le projet de loi est entre les mains du secrétariat général du Gouvernement et suite au discours de Sa Majesté à l'occasion de la fête du Trône, qui a appelé à l'accélération des réformes, je reste confiant en l'avenir. Le Maroc disposera bientôt d'un Conseil de la concurrence en bonne et due forme.