Le Roi du Maroc a réagi en clarifiant d'une manière courageuse et très habile que le Royaume opte pour la copie originale de la démocratie et n'acceptera jamais d'en subir une version islamisée… Dès les premiers moments de la confirmation officielle de l'information faisant état de la perpétration d'un attentat à la bombe dans un café à Marrakech, des analystes locaux et internationaux, qui ont été interrogés par les médias, ont dû répondre surtout à deux questions : «qui ?» et «pourquoi ?». Et la mission d'un observateur étant, essentiellement, d'analyser et d'expliquer pour permettre à la population de se faire une opinion sur l'affaire en question, il arrive, dans des circonstances pareilles, que l'absence de données conduise l'observateur à tenter de combler par la spéculation son incapacité à y voir clair. Aussi, on a observé, durant les derniers jours, comment un raisonnement, pourtant basique, a été érigé en réflexion brillante par certains observateurs. Ils partent d'une question simple : «Qui peut tirer profit de l'acte terroriste de Marrakech ?» et, de ce fait, ils entrent dans un tourbillon d'interrogations multiples et compliquées qui n'aident en rien le citoyen qui cherche juste à comprendre ce qui se passe autour de lui. Aussi, il serait, peut-être, judicieux, pour les observateurs politiques, de prendre un peu de recul par rapport à l'analyse de l'attentat du café Argana dans sa dimension policière vu que les meilleurs enquêteurs locaux et internationaux ont été mobilisés à cette fin et, se pencher, en attendant les résultats de ces investigations, sur la dimension politique et sociale de cet acte criminel. Commençons donc par redessiner le contexte. D'abord sur le plan international : le monde arabe est secoué par des révoltes sociales, l'Amérique se cherche un nouveau positionnement par rapport à ces révoltes auxquelles elle n'est pas tout à fait étrangère, l'Europe unie cherche une porte de sortie d'une très forte crise économique qui l'a obligée à revoir des perspectives géopolitiques, l'Iran qui ne se contente plus d'un rôle secondaire dans la région du Golfe et commence à vouloir étendre son pouvoir sur la région toute entière, la Turquie qui, n'ayant pas réussi à faire accepter aux Européens son modèle démocratique assez particulier, cherche à l'exporter au reste du monde arabe pour pouvoir mieux le revendre par la suite. Sur le plan international, donc, une opération de remodelage total du monde arabe est en cours. Et pour les dessinateurs de cette nouvelle carte arabe, aucun pays n'est censé échapper à cette métamorphose. Face à cette «conversion forcée» ou spontanée – ce qui est peu probable–, on semble s'acheminer vers une situation où le monde arabe serait divisé entre deux sortes de «républiques islamiques» : sunnites et chiites, les premières fonctionnant à l'image des Turcs (Tunisie, Egypte, Libye, etc.) faisant face à l'expansion du modèle iranien (Sud-Liban, Syrie, Gaza, tentative avortée au Royaume du Bahreïn, etc.). Mais, dans ce monde arabe en ébullition, seul un pays s'est distingué par sa spécificité : le Maroc. Une exception qui, qu'on le veuille ou non, ne semble plaire à personne : ni à ceux qui cherchent à remodeler le monde arabe en le calquant sur le modèle turc ni à ceux qui, dans le monde arabe, cherchent à résister au changement. La spécificité du Maroc est très simple : il n'accepte pas de modèle prêt-à-porter et cherche à se tailler une vie démocratique sur mesure correspondant à son histoire millénaire, à ses racines et en conformité avec ses ambitions modernistes. Le Maroc, qui a été le seul pays à résister à l'empire ottoman, n'acceptera pas au XXIe siècle de subir une «conversion forcée». En plus, le modèle choisi par le Maroc est celui de la véritable démocratie et non celui de la copie adaptée aux Arabes et que l'on cherche aujourd'hui à imposer à ces pays : démocratie apparente protégée par des généraux télécommandés de l'extérieur avec des gouvernements islamistes flirtant avec l'Occident dans les coulisses du pouvoir, le taxant d'ennemi, en public, et lui servant de rempart et d'arme contre l'extension du chiisme. Partant de ce contexte, il est très facile de déduire que le discours royal du 9 mars 2011 a porté un coup dur à plusieurs porteurs de projets de remodelage externe. Face à toutes les manœuvres et les projections, le Roi du Maroc a réagi en clarifiant d'une manière courageuse et très habile que le Royaume opte pour la copie originale de la démocratie et de la modernité et n'acceptera jamais d'en subir une version islamisée. Mais la force du Maroc à résister, à pouvoir dire non et à choisir lui-même son destin, émane de la stabilité de ses institutions, de la forte cohésion entre ses composantes sociales et ethniques, de la diversité de sa classe politique, de l'unité de sa doctrine religieuse, et, aussi, de sa croissance économique forte et soutenue qui lui a permis, malgré tous les aléas économiques mondiaux, de maintenir le taux de chômage en deçà de 10%, un chiffre unique dans le monde arabe. Le remodelage étant impérativement précédé par le démontage, tous ceux, donc, qui cherchent, pour des raisons politiques, des ambitions personnelles, des projets hégémoniques, des visées géostratégiques, des intérêts économiques... tirent profit de la déstabilisation de l'Etat marocain. Et, contrairement aux théories conspiratrices qui cherchent à trouver des coupables là où il n'y a aucune raison de chercher, on ne fera pas la même erreur. Et l'on n'accusera pas ceux qui cherchent à démanteler le système marocain d'aller jusqu'à perpétrer un attentat. Loin de nous cette idée. Mais, il faut reconnaître, quand même, qu'en s'attaquant systématiquement et constamment aux piliers qui font la force de «la Maison Maroc», ils finiront par la fragiliser et la rendre vulnérable, ce qui permettra aux forces du mal comme la nébuleuse terroriste d'Al Qaïda de saisir l'occasion et de pouvoir mettre, enfin, un pied au Maroc. L'union autour de la Royauté, l'adhésion à la démocratie et à la modernité, l'attachement à l'Islam, l'unité de l'identité dans la diversité de l'ethnie, la foi dans la Nation, la participation au développement du pays, la confiance dans les hommes chargés de le protéger, le soutien de ceux qui militent pour le démocratiser, etc. C'est tout cela qui fait la force de la Nation marocaine. Aujourd'hui, on voit comment des gens cherchent à déstabiliser les fondements constitutionnels, ébranler la foi dans la Nation, dénigrer l'appareil de l'Etat, diffamer ses hommes, diaboliser les services de sécurité, angéliser les terroristes, faire l'apologie de l'intégrisme, abjurer l'Islam modéré, etc. Alors que l'ambition de toute nation est d'être démocratique, indépendante, et forte. Nulle démocratie n'a de valeur réelle dans la faiblesse et la dépendance. L'attentat de Marrakech devrait constituer une alerte pour que le processus moderniste enclenché par le réveil démocratique des jeunes du 20 février, et qui a été renforcé par le discours révolutionnaire du 9 mars, soit maintenu et préservé de ceux qui, à l'intérieur comme à l'extérieur, veulent profiter de la conjoncture pour entraver sa marche vers la démocratie, le développement, la prospérité et la modernité.