Nicolas Sarkozy doit déployer un trésor de diplomatie pour persuader son homologue italien qui lui, l'Européen convaincu, chantre de la démarche européenne, n'est pas en train de jouer solo face à une crise où il faut fatalement jouer collectif. Signe que la tension était à son comble entre Paris et Rome, Italiens et Français éprouvaient beaucoup de difficultés à fixer la date d'un sommet entre Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi. Après un long va-et-vient diplomatique, la date du 26 avril fut retenue avec l'objectif affiché que les deux pays crèvent le sujet tabou qui empoissonne leurs relations : l'afflux d'immigrés tunisiens qui se comptent par dizaines de milliers et qui considère l'Italie comme un pays de transit et la France comme une destination finale. Depuis que la digue «Ben Ali» a lâché en Tunisie, nombreux sont les jeunes Tunisiens qui ont fait le choix immédiat de tenter l'aventure européenne. Des images de l'île italienne de Lampedusa donnaient un avant-goût de ce qu'allait être ce déplacement massif de population vers les rives nord de la Méditerranée. En France, cette nouvelle donne coïncidait avec la montée en puissance du Front National de Marine Le Pen. Le tout nouveau ministre de l'Intérieur Claude Guéant se faisait les dents sur une problématique qui interpelle directement ses compétences. Pour bien marquer l'intérêt qu'il porte au sujet, Claude Guéant n'hésita pas à faire son premier déplacement vers les frontières franco-italiennes. Une manière pour lui de camper ce personnage intransigeant qui a fait de la lutte de l'immigration clandestine et plus tard, légale sa raison d'être, son apport personnel pour diminuer les peurs collectives et empêcher que Marine Le Pen ne soit la seule à incarner la protectrice du territoire et de l'identité nationale. Claude Guéant s'acquitte de sa mission avec un tel zèle qu'il lui est arrivé de demander aux autorités italiennes de retenir chez elles les immigrés en provenance de Tunisie, bref de jouer les policiers à la frontière avec la France. Silvio Berlusconi, déjà affaibli par une série de scandales d'ordre sexuel, et qui compte dans son gouvernement les représentants de la Ligue du Nord, trouve que les demandes françaises manquent cruellement de solidarité et préfère mobiliser l'aide européenne pour diminuer les effets ravageurs d'un phénomène migratoire qu'il a lui-même qualifié de «Tsunami». Un dialogue de sourd s'installe entre Paris et Rome. Les deux capitales se renvoient leurs mauvaises humeurs par symboles interposés. Tandis que la France a pris la décision ce 17 avril de suspendre les trains qui passent par la ville de Vintimille, à la frontière franco-italienne, Rome répond à ce geste indélicat par l'octroi de 20.000 visas à des immigrés tunisiens fraîchement arrivés en Italie, ce qui leur donne le droit d'entrer en France au nez et à la barbe de Claude Guéant. La déception française doit être si profonde que certains au sein du gouvernement proposent de suspendre les accords de Schengen qui font d'une grande partie de l'espace européen un espace de libre circulation. Cette proposition fait hurler en Italie et provoque un débat politique en France. Nicolas Sarkozy qu'une certaine presse a longtemps qualifié de «Berlusconi français» en raison de son mode de vie tape-à-l'œil, doit déployer un trésor de diplomatie pour persuader son homologue italien qui lui, l'Européen convaincu, chantre de la démarche européenne, n'est pas en train de jouer solo face à une crise où il faut fatalement jouer collectif. Les deux hommes pourront toujours se consoler en étant les seuls pays européens à avoir reconnu officiellement le CNT, l'organe politique de la rébellion libyenne.