L'appel du cheikh Mohamed Fizazi au Mouvement du 20 février «à se débarrasser des athées parmi ses rangs» a suscité l'ire des jeunes de ce Mouvement. Moins d'une semaine après avoir quitté la prison, l'ex-détenu de la Salafiya Mohamed Fizazi a suscité la colère des jeunes du 20 février. A cause de ses déclarations qualifiées d'«exclusionnistes» , Mohamed Fizazi s'est attiré les foudres du mouvement du 20 février. Sur Internet et lors des manifestations du 20 février et du 20 mars, ce mouvement avait plaidé pour la libération de tous les détenus politiques. Aujourd'hui, l'appel de Fizazi au mouvement «à se débarrasser des athées parmi ses rangs» n'a guère été du goût des jeunes. Après 8 ans passés en prison, le cheikh a jeté un pavé dans la mare. «Je viens tout juste de quitter la prison. Je ne connais pas un seul mécréant ni hérétique parmi le Mouvement du 20 février. En réalité, il a été porté à ma connaissance que certains membres de ce mouvement, noble et intègre, plaident pour la rupture du jeûne durant le Ramadan en pleine journée. Nous refusons catégoriquement cela. Tous les Marocains musulmans et même les juifs le rejettent. Il s'agit-là d'une atteinte à l'identité marocaine et d'une atteinte à l'une des constantes de la Nation. L'identité musulmane du Maroc est une ligne rouge. S'il s'avère que des gens de ce genre figurent parmi les jeunes du 20 février, il faudra bien que le mouvement soit assaini. Lorsque je parle d'assainissement, je ne dis que ces personnes doivent être combattues. Tout ce qui se rapporte à la pensée doit être traité par le dialogue et par la pensée», avait lancé cheikh Fizazi, lors d'une conférence de presse organisée, mardi 19 avril, à Casablanca, par le groupe Al-Massae au sujet de la réalité de la détention politique au Maroc, marquée par la participation de plusieurs personnes qui avaient bénéficié de la grâce royale la semaine dernière. Tout en signalant qu'il existerait des «parties exclusionnistes» qui tenteraient, à travers certains supports médiatiques, de créer une dissension entre lui et les jeunes du 20 février, M. Fizazi a indiqué qu'il doit «sa libération à un certain nombre de facteurs, notamment le Mouvement du 20 février». «D'ailleurs, mon fils est membre de ce Mouvement à Tanger», a-t-il ajouté. Les membres du 20 février, fortement présents lors de cette conférence, ne sont pas restés indifférents à l'égard des déclarations «provocatrices» de Fizazi. «Lors des manifestations du 20 février et du 20 mars, nous avons appelé à la libération de tous les détenus politiques sans aucune exception. Personne ne vous a exclu, M. Fizazi, même les personnes qui ont d'autres croyances religieuses. Pour ce qui est de l'affaire de la rupture du jeûne en public, certes, nos idées sont différentes, mais nous sommes d'accord pour ce qui est de la modernité politique, les droits de l'Homme et l'équité», a répondu au cheikh un membre du 20 février. Les jeunes du 20 février restent, ainsi, méfiants à l'égard des propos de cheikh Fizazi. Ils refusent toute tentative de dissension à base de questions religieuse ou idéologique qui pourront diviser leur mouvement à l'heure où ils sont décidés à maintenir les protestations pour demander plus de réformes politiques, sociales et économiques. «Par sa portée exclusionniste, le discours de Fizazi vise à diviser le mouvement du 20 février. Cela laisse à présager qu'il y a un pacte entre l'Etat et le courant de la salafiya», a souligné Najib Chaouki, membre du 20 février (voir entretien ci-dessous). Selon les observateurs, l'affaire de la dissension entre cheikh Fizazi et le 20 février remet en question la possibilité de la cohabitation au sein du 20 février de courants idéologiques totalement différents les uns des autres. Entre les jeunes libéraux, les islamistes d'Al Adl wal Ihsane, les gauchistes d'Annahj, et ceux que Fizazi qualifie d'«athées», la dissension est envisageable à tout moment.