Pour Najib Chaouki, la section de Rabat-Salé n'ira pas voir la Commission Mennouni car il y a dans la CCRC des personnes qui sont très conservatrices et ne sont de ce fait pas qualifiées pour fonder une nouvelle Constitution. ALM : Vous avez décidé de boycotter la CCRC. Qu'est-ce qui a justifié votre démarche ? Najib Chaouki : Nous estimons que le processus de mise en place d'une Constitution démocratique doit être fondé, en premier lieu, sur des bases démocratiques. La base de la construction constitutionnelle doit être démocratique. Or, nous avons bien constaté que cette Commission a été nommée et non pas élue. Il a fallu mettre en place une assemblée constituante ou bien une commission qui soit nommée d'après les propositions de plusieurs personnes et non pas une seule. La CCRC a été installée par le Roi. Il est clair qu'il y a eu exclusion des autres points de vue. Nous avons décidé de boycotter la CCRC, aussi, en raison de la présence de certains membres qui ne croient pas à la démocratie. Que reprochez-vous à ces personnes ? Il y a des personnes qui sont très conservatrices et ne sont de ce fait pas qualifiées pour fonder une nouvelle Constitution. La décision du boycott s'explique également par l'absence de la confiance entre le Mouvement de protestation et l'Etat. Nous ne constatons pas des initiatives de bonne foi sur le terrain. Les détenus politiques n'ont pas encore été libérés. Aussi, il y a plusieurs dossiers relatifs à la corruption qui n'ont pas été traités, notamment les dossiers évoqués par les rapports de la Cour des comptes ou les dossiers soulevés par la presse. Nous estimons, par ailleurs, que nous avons été exclus des médias publics. On ne nous a pas donné la parole, alors que des partis politiques qui sont quasi-inexistants et qui ne maîtrisent même pas les termes juridiques de la Constitution ont été accueillis par ces médias pour expliquer leurs visions sur la réforme. Est-ce que les membres de la Commission Mennouni vous ont contacté pour avoir votre avis à propos de la réforme ? Effectivement, la Commission nous a contacté, lundi 4 avril, et nous a demandés de lui envoyer nos adresses E-mail pour entrer en contact. Elle nous a dit aussi qu'elle allait nous rencontrer samedi 16 avril pour entendre nos propositions et observations à propos de la réforme. La Commission a choisi quatre personnes, dont moi-même, de la section de Rabat-Salé sur un total de 45 membres du Mouvement du 20 février sur l'ensemble du territoire marocain. La décision du boycott concerne-t-elle toutes les sections du Mouvement du 20 février à travers le Royaume ? Pour l'instant, cette décision de bouder la Commission ne concerne que la section de Rabat-Salé. Nous ne parlons qu'au nom de nous-mêmes. Pour ce qui est par exemple de la section de Casablanca, elle allait tenir son assemblée générale, mercredi 6 avril, pour prendre une décision à ce propos. Sinon, je suis certain que les autres sections vont prendre la même position que celle de Rabat-Salé. Car on a bien vu que lors des manifestations du 20 février ou du 20 mars, les jeunes ont dénoncé, à travers leurs slogans, le fait que la Commission de révision de la Constitution a été nommée. Toutes les sections du 20 février sont d'accord à propos de la même plate-forme. Nous voulons la mise en place d'une Constitution démocratique. Ne pensez-vous pas qu'il a fallu que toutes les sections du 20 février coordonnent entre elles pour prendre une décision commune à propos du boycott? Il s'agit-là de la méthode de fonctionnement de notre Mouvement. Chaque section régionale est habilitée à suggérer des initiatives. Nous examinons, par la suite, ces initiatives par rapport à notre plate-forme pour voir si on devrait s'y inscrire ou pas. Pour ce qui est de la décision du boycott de la Commission Mennouni, il faut dire que toutes les sections régionales du Mouvement du 20 février estiment qu'il faut mettre en place une commission élue chargée d'élaborer une nouvelle Constitution à bases démocratiques solides. Certains disent que vous avez décidé d'exclure du Mouvement toute personne qui prendrait part aux travaux de la CCRC. Que répondez-vous à cela? Absolument pas, le communiqué annonçant le boycott dit clairement que toute personne qui rencontrerait la Commission Mennouni exprimerait une position contraire à celle adoptée par le Mouvement et que de ce fait elle ne représenterait que lui-même. Nous n'excluons pas et nous ne mettons pas les gens à la porte. Nous sommes un Mouvement et non un parti politique. Le Mouvement du 20 février n'est pas la propriété d'une personne. Ne pensez-vous pas qu'il est temps de mettre en place une structure au niveau national qui permettrait au Mouvement d'avoir un porte-parole ? Notre Mouvement est encore jeune. Il n'est né que le 20 février. Nous coordonnons notre action sur le plan national pour ce qui est des actions de protestation, comme cela a été le cas pour le 20 février ou le 20 mars. Nous avons mobilisé près de 100 régions à travers le Royaume. La structuration du Mouvement n'est pas à l'ordre du jour. Le Mouvement du 20 février n'est pour l'instant qu'un appel à la protestation. Comment concevez-vous une Constitution démocratique ? Pour mettre en place une Constitution démocratique, il faut tout d'abord que la commission chargée de rédiger le nouveau texte soit élue, pour faire en sorte qu'elle représente toutes les sensibilités et tous les courants. En plus, la nouvelle Constitution doit exprimer la souveraineté et la volonté populaires. Il faut aussi qu'il y ait une séparation effective des pouvoirs, l'élargissement des prérogatives du Premier ministre et renforcer l'indépendance de la justice. Il est question également d'enlever de la Constitution la question de la sacralité. Les Marocains sont tous égaux et nul n'est sacré. Il faut également mentionner dans la Constitution que les traités internationaux sont supérieurs à la législation interne. Le tout pour mettre en place une monarchie parlementaire. Quelle définition faites-vous de la monarchie parlementaire ? Cette question se trouve au centre des revendications du 20 février. Il s'agit d'un régime où le Roi règne mais ne gouverne pas. Toutes les prérogatives doivent être concentrées entre les mains du Premier ministre. Il doit être responsable de l'administration et de la mise en œuvre de la politique générale du pays. Nous voulons qu'il n'y ait plus un Etat dans l'Etat. Je parle ici du ministère de l'Intérieur. Le despotisme se trouve à l'origine de tous les problèmes dont souffre le Maroc. Certains disent que certains mouvements politiques qui soutiennent le Mouvement du 20 février tentent de l'exploiter pour servir leurs agendas politiques. Qu'en dites-vous? Nous disons que tout courant politique a son propre agenda politique que ce soit les partis makhzéniens ou ceux qui s'opposent au régime. Certes, plusieurs mouvements allant de l'islamisme à l'extrême gauche soutiennent le Mouvement. Ces mouvements sont les bienvenus dans le 20 février tant qu'ils respectent notre plate-forme et nos slogans et respectent notre indépendance en matière de prise des décisions. Nous n'avons jamais constaté que ces mouvements tenteraient d'exploiter le Mouvement du 20 février. Ce ne sont que les machines de propagande de l'Etat qui font véhiculer cette fausse image. Nous ne sommes pas des personnes mineures. Le jour où nous constaterons des desseins de ce genre, nous serons les premiers à les dénoncer. Que dites-vous à propos des propositions des partis politiques pour la réforme de la Constitution ? Je pense que ces propositions ne font que banaliser le débat à propos de la réforme. Ces partis ont toujours soutenu le maintien de la monarchie exécutive. Avant les manifestations du 20 février, certains d'entre eux ont gardé le silence et d'autres nous ont critiqué ou insulté. Et aujourd'hui ils changent de position pour saluer les réformes. Ces partis ont perdu leur indépendance et leur crédibilité.