Bon soit. Il n'y a pas d'exception marocaine et personne de sensé ne peut nier le volume de nos problèmes. Nous avons notre lot de misère, d'inégalité, d'injustice, d'abus, de passe-droit. Notre école est une véritable fabrique de l'échec. Nos entreprises et notre économie n'ont pas assez de possibilités pour nos chômeurs qui arrivent sur le marché du travail dans un flux tendu. Nos diplômés ne veulent travailler que dans la fonction publique au point de donner l'impression que l'Etat n'a qu'une utilité alimentaire. Notre pays a des ressources limitées. C'est dire que notre destin exige de nous efforts, sueurs et peut-être larmes. Et dans tous les cas, nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes avec notre tempérament et peut-être notre génie. Et là, c'est sûr, nous avons une singularité marocaine. Elle est dans la gestion de nos désaccords. Pour preuve, au moment où le dialogue est sanguinolent dans plusieurs pays arabes, ici, chez nous, le débat commence à prendre date. Il s'appelle 20 février, 9 mars, 20 mars. C'est notre histoire qui est en chantier. C'est bâtir la Nation de demain qui est en jeu. Le peuple marocain, avec son Roi, sont appelés, dans une sérénité qui sied à notre tempérament, à écrire le texte de demain. Celui qui balisera les jalons d'une société qu'on veut meilleure pour nos enfants. La jeunesse marocaine, comme toutes les jeunesses arabes, aspire au bien-être et à l'équité. Le bien-être, c'est la réalisation de soi, c'est l'estime de soi, c'est le plaisir de vivre et de s'amuser, non pas sans entraves comme le demandait la jeunesse de 1968, mais dans le cadre de valeurs marocaines renouvelées. Il y a en cela une forte demande de modernité. L'équité, c'est d'abord un sentiment de justice. Ce sentiment est supérieur à la loi. C'est un état d'esprit. Il est fondé sur la reconnaissance de chacun, dans ses droits et dans son intégrité. L'esprit ici est plus puissant que la lettre. Cette demande, ces demandes de bien-être et d'équité sont légitimes. Il ne faut surtout pas les torpiller. Or s'il y a un risque, il est dans la surenchère. Il est dans l'attitude libertaire. Il est dans la convergence entre cultures politiques antagonistes. Il peut être dans cette alliance entre la carpe islamiste et le lapin gauchiste qui, à l'ombre d'un prétendu printemps arabe, tentent d'inoculer la sédition. Noceurs d'opportunités, leurs petites soirées et javas frondeuses se rêvent comme l'annonce du grand soir. Les assauts sanglants au Bahreïn et à Benghazi qui, dans l'indifférence d'un monde désormais préoccupé par la tragédie nipponne, soulignent encore plus notre singularité. Le Marocain, avec son Souverain, a une chance historique pour dire au monde cette fabuleuse capacité de changer le destin par le dialogue pacifique.