Quand il a réclamé sa part du butin, fruit des agressions qu'ils commettaient, tous les deux, contre des victimes, son complice a refusé de lui en remettre. Résultat : l'un a été enterré et l'autre a été condamné à dix ans de réclusion criminelle. «Je regrette de l'avoir tué, M. le président». C'était l'un des rares moments durant lesquels les magistrats entendent un mis en cause qui regrette d'avoir commis un crime. En fait, la majorité des suspects se disculpent et accusent les enquêteurs de leur avoir collé des crimes qu'ils n'ont jamais commis. Seulement, cette fois-ci, le mis en cause avoue son meurtre et présente ses regrets de l'avoir perpétré. Nous sommes à la chambre criminelle près la Cour d'appel de Casablanca. Comme à l'accoutumée, la salle d'audience est archicomble. Avec son tricot gris, sa jaquette marron, son pantalon blue-jeans et ses sandales en cuir noir, Mohamed se tenait au box des accusés. « Je n'avais pas l'intention de le tuer, mais le destin en a voulu autrement, M. le président », a affirmé Mohamed au président de la Cour qui lui a répondu que le destin n'avait rien à voir avec ce qu'il avait commis contre un jeune homme. Mohamed, vingt-huit ans, est un repris de justice. Il avait purgé deux peines d'emprisonnement: une première d'un an ferme pour complicité de vol qualifié et une seconde de trois ans ferme pour constitution d'une association de malfaiteurs, vol qualifié, coups et blessures et menace à l'arme blanche. Mais il semble qu'il n'a jamais imaginé avoir un meurtre sur le dos. «Oui, M. le président, j'étais membre d'une association de malfaiteurs. Nous étions trois amis qui perpétraient des cambriolages et des agressions, mais rien d'autre. Je n'ai jamais molesté quelqu'un », a-t-il précisé à la Cour qui l'écoutait attentivement. Né au quartier Derb Soltan, à Casablanca, Mohamed a poursuivi ses études jusqu'à la huitième année d'enseignement fondamental. Il était à son quinzième printemps quand il a quitté définitivement l'école. Certes, il avait encore la possibilité de poursuivre ses études. Mais, il a décidé de les abandonner. Pourquoi faire ? Rien. Il n'avait pas d'autres activités à faire. En fait, il a choisi le repos, la rue et la mauvaise fréquentation ; un mauvais trio qui l'a jeté dans le gouffre de la drogue et de la délinquance. Quand il a atteint son vingtième printemps, il a déjà été condamné à une première peine d'emprisonnement. Après avoir purgé sa deuxième peine d'emprisonnement, il a été arrêté pour la troisième fois et ce, pour un meurtre. Il a tué son ami et complice de plusieurs agressions. Pourquoi l'a-t-il tué ? «Après avoir agressé deux femmes et avoir volé plus de deux mille dirhams des poches des victimes, nous avons décidé, moi et lui, d'acheter des boissons alcoolisées », a affirmé Mohamed à la Cour. Âgé de vingt-neuf ans, Abdelali a réclamé sa part du butin. «Je lui ai demandé d'attendre jusqu'au lendemain. Je lui ai expliqué que j'allais lui verser sa part après la soustraction de la somme avec laquelle nous avions acheté les boissons alcoolisées. Mais, il a refusé », a ajouté le mis en cause. Sous l'effet de quelques comprimés psychotropes, Abdelali a insisté pour récupérer sa part de l'argent, à savoir plus de mille dirhams. Au fil de la conversation entre eux, Abdelali a brandi un couteau qu'il dissimulait dans l'une de ses chaussettes. « Je lui ai expliqué que je n'avais pas l'intention de mettre la main sur sa part », a-t-il précisé à la cour. Seulement, Abdelali l'a blessé avec son couteau. Voyant le sang qui coulait de son bras, Mohamed a brandi, également, son propre couteau et s'est avancé vers son protagoniste. En un clin d'œil, il l'a mis à terre, corps sans âme. Verdict : dix ans de réclusion criminelle pour coups et blessures ayant entraîné la mort sans l'intention de la donner.