Le Syndicat national des officiers et marins de la pêche hauturière a décidé d'observer une grève de la faim le jour de l'Aïd El Kébir. Explications de son secrétaire général, Abderrahman El Yazidi. ALM : Quelles sont les raisons de la grève de la faim que vous comptez observer le jour d'El Aïd ? Abderrahman El Yazidi : Pour résumer, c'est pour marquer notre mécontentement à l'égard d'une gestion désastreuse dont le secteur de la pêche fait l'objet actuellement. Le ministère des Pêches maritimes a non seulement décidé, le 13 octobre 2003, de prolonger l'arrêt biologique à fin décembre, au lieu de la fin octobre, mais il a aussi conditionné la reprise de l'activité par les résultats de la compagne de prospection des bateaux de l'Institut national de recherche halieutique. Pis. Il aura fallu attendre jusqu'à la fin décembre pour qu'une réunion à la Primature puisse avoir lieu. Une réunion qui a regroupé les opérateurs travaillant dans le secteur et le ministre des Pêches maritimes et suite à laquelle il nous été annoncé que le repos biologique allait être maintenu, au moins, jusqu'à avril 2004. Tout cela sachant qu'une autre réunion avait eu lieu en octobre entre le ministre et les représentants de l'INRH et où la fermeture pour une année aurait été décidée. Ce qui revient à dire que cet arrêté pourrait encore être prolongé jusqu'à octobre prochain. Cela dénote d'un manque de clarté dans la démarche du ministre, voire de la mauvaise foi. Résultat, les marins, après avoir subi 8 mois de chômage imposé, risquent d'être à l'arrêt pour encore 6 mois. Quatorze mois de chômage donc, sans la moindre indemnité pour quelque 10.000 marins travaillant dans la pêche hauturière, selon des statistiques officielles. Quelles sont les démarches que vous avez entrepris pour trouver une solution à vos problèmes? Juste après la décision du 19 décembre, nous avons écrit au ministère des Pêches maritimes. Mais nous n'avons reçu aucune réponse. Passés dix jours, nous avons publié un communiqué où nous appelons à l'indemnisation des marins ayant perdu leurs salaires et à la mise en place d'un fonds pour l'indemnisation au cas où cet arrêt viendrait à se répéter. Là aussi, tout ce que le ministre a trouvé pour nous répondre est qu'il n'avait pas de baguette magique pour résoudre nos problèmes. C'est là où nous avons décidé de notre côté, le 12 janvier et dans le cadre d'une réunion de notre bureau exécutif, qu'à défaut d'un réponse valable, nous allions observer une grève de la faim le jour de l'Aïd El Kébir. Une décision que nous avons entériné à l'unanimité dans le cadre de notre congrès national extraordinaire, que nous avons tenu le 22 janvier. Entre-temps, nous avions envoyé une lettre au Premier ministre. Pas de réponse. Nous allons donc continuer à protester. La grève sera entamée à partir de 8h. Qu'est-ce qui explique le choix du moment? C'est pour exprimer notre situation de misère imposée dont nous souffrons. Les gens n'ont même pas de quoi s'acheter du lait pour leurs enfants. Comment peut-on se payer le luxe d'un mouton ? C'est aussi une façon de marquer notre désaveu de la politique de gestion du secteur. Une gestion qui pourrait contaminer d'autres secteurs. Quels ont été les arguments que le ministère des Pêches maritimes a avancés pour justifier ces actions ? La raison invoquée par le ministère n'est autre que le stock de poulpe qui s'effondre. Mais nous ne sommes pas responsables de cet effondrement. C'est le résultat de trois décennies de mauvaise gestion qui en est la cause. Une mauvaise gestion doublée d'un effort surdimensionné d'exploitation avec trop de licences accordées aussi bien aux bateaux et barques de pêche qu'aux unités de congélation. Face à une situation de surexploitation qui dure depuis plusieurs années, le ministère n'a pas trouvé meilleure réponse que de nous obliger à mourir et laisser vivre le poisson. C'est irresponsable. Il faut certes préserver les ressources halieutiques du pays. Mais qu'en est-il de l'emploi et des unités de congélation ? Ne faut-il pas les préserver également ? Le ministère, n'a t-il pas la responsabilité de les protéger ? Arrêter, oui. Mais il faut aussi indemniser les gens.