Frappés d'une sorte de cécité politique les privant de regarder la réalité en face, ils vont droit au mur traînant avec eux tout un peuple qui ne mérite pas un tel destin. Existe-t-il quelque part dans les arcanes du pouvoir algérien un projet pour ce pays ? Existe-t-il chez un dirigeant algérien une vision sur le devenir commun pour le peuple algérien? Il est permis, aujourd'hui, d'en douter sérieusement. Cela fait vingt-deux ans que le peuple algérien attend que ceux qui ont décidé de le diriger sans le consulter aient au moins la décence de lui proposer un projet de société, d'œuvrer à sa réalisation et de lui préparer un avenir digne des énormes sacrifices qu'il a faits pour se libérer de l'occupant français. En vain. Deux décennies après l'Intifada du peuple algérien du 5 octobre 1988, les mêmes problèmes sociaux persistent et la population de ce pays frère demeure otage d'une junte militaire qui refuse de lui permettre de s'émanciper et de pouvoir aller vers un avenir meilleur. Aujourd'hui, la situation est en train de prendre une dimension dangereuse qui risque de donner un tournant tragique à l'histoire de ce pays et de compromettre l'avenir de toute la région maghrébine. L'annonce faite, mardi 1er juin à Paris, par le Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie (MAK) de la création d'un gouvernement provisoire est un signal d'alarme qui devrait alerter le pouvoir algérien sur l'existence d'un risque réel de dislocation de l'État algérien. Précédée par un mouvement similaire au Sud mené par les Touaregs, l'initiative kabyle montre l'incapacité des dirigeants algériens à sentir le pouls de la société algérienne. Frappés d'une sorte de cécité politique les privant de regarder la réalité en face, ils vont droit au mur traînant avec eux tout un peuple qui ne mérite pas un tel destin. La réaction du Premier ministre algérien, jeudi, suite à l'annonce de la création d'un gouvernement provisoire en Kabylie montre à quel point le pouvoir algérien s'est engouffré dans son refus à reconnaître la réalité des dangers qui guettent son peuple. «Ce n'est que du tintamarre», a-t-il déclaré aux médias étrangers qui l'ont interrogé sur l'affaire du MAK. Y a-t-il une phase plus avancée de la schizophrénie ? Une rupture avec le nord-Est kabyle, une tension avec le sud-Est touareg, une indifférence totale face aux besoins du centre, un conflit entretenu avec le voisin de l'Ouest, une absence de communication avec les pays du Nord et, enfin, un déphasage total avec l'évolution du monde. Telle est, malheureusement, la situation actuelle de l'Algérie. Le résultat de cette situation – si le pouvoir algérien ne se ressaisisse pas rapidement – est, mathématiquement, simple à calculer. Et le résultat est pour déplaire à tout le monde. Personne, de l'océan Atlantique au Golfe persique ne souhaiterait au peuple algérien frère une telle dislocation dans ses rangs. Car, nul ne voudrait voir ce peuple si uni face aux massacres commis il y a 65 ans à Sétif, Guelma et Kherrata, soit poussé à la désunion de cette manière tragique. Le peuple algérien mérite mieux que de subir un perpétuel martyr !