Des députés belges, dans une commission, ont approuvé à l'unanimité, mercredi dernier, une proposition de loi visant à interdire aux personnes de se présenter «dans l'espace public le visage dissimulé, en tout ou en partie, par un vêtement de manière telle qu'elles ne soient plus identifiables.» Que de soins dans le choix des termes pour viser la burqua dans le pays qui compte la première élue voilée d'Europe, Madame Ozdemir. Cette proposition prévoit amende et même emprisonnement (de 1 à 7 jours). Il reste qu'elle doit être approuvée par la Chambre, ce qui est loin d'être fait. Les auteurs se targuent déjà «de la fierté d'oser faire cette démarche alors qu'il y a des débats en France, en Italie, en Suisse». Le Conseil d'Etat français vient, de son côté, d'émettre quelques réserves sur une interdiction totale de la burqua. En Europe, c'est devenu plus qu'un casse-tête chinois. Un cache tête pachtoune. Le nombre de femmes adeptes de ces accoutrements, pour marginal qu'il soit, pose un vrai défi aux sociétés européennes. En dépit du caractère opportuniste d'un débat qui tend à flatter un électorat assailli par les extrêmes-droites, il y a la complexité, dans des démocraties incontestables, de s'accommoder avec des dispositions qui heurtent deux principes : celui la liberté de conscience garantie par la Déclaration universelle des droits de l'Homme dans son article9. Celui, par ailleurs, du principe de la liberté individuelle dont le choix de se vêtir comme on veut. Or, se voiler intégralement comme expression d'une liberté de conscience pose la question de l'affichage ostentatoire, dans l'espace public, de ses propres choix religieux. C'est être la tonalité visible qui entend rompre avec un environnement d'impureté et où on se distingue, par pudeur suprême, en étant l'exception dans la règle commune. Cela peut être aussi lu comme un déni du vivre ensemble mis à part le fait d'écorner un principe tout aussi important que celui de l'égalité puisque pratique réservée aux femmes. Se voiler intégralement comme choix vestimentaire validerait l'idée, comme l'a bien souligné Elisabeth Badinter, que le visage a désormais un vêtement. Or le visage n'est pas le corps. Le visage, c'est l'altérité. Le regard, c'est le dialogue. Les yeux sont les instruments de la réciprocité. Sans compter le sourire. Il y a donc, dans ce choix, comme une volonté de puissance de pouvoir voir les autres sans être soi-même vue. Cela étant dit et à supposer que cette loi soit votée, il sera difficile de la mettre en application. Comment faire, par exemple, avec les femmes de diplomates et autres touristes fortunées saoudiennes qui se pavanent dans les boulevards de Genève, Paris ou Bruxelles écumant les magasins de luxe pour leurs shoppings?