Pour Touria Jabrane, ce qui se passe aujourd'hui en Palestine rend le texte de Genet d'une actualité brulante. Aujourd'hui le Maroc : Comment avez-vous fait pour tenir une heure sans interruption sur scène ? Touria Jabrane : J'ai aimé ce texte, et puis le témoignage historique est important pour les générations futures qui ont juste entendu parler des massacres de Sabra et Chatila. Les boucheries qui continuent de se perpétrer en Palestine, et que le trop d'images qui les montrent rendent muets, un texte peut leur restituer leur véritable teneur. L'interprétation du texte de Genet m'a demandé de grands efforts. J'ai une passion pour les textes difficiles. Et cela s'inscrit d'ailleurs dans les choix du Théâtre d'aujourd'hui qui fuit la facilité. Je tiens à souligner que ce n'est pas une représentation d'une comédienne, mais un travail d'équipe. Même si le public ne voit que moi sur scène, mon interprétation n'aurait pu être possible sans le travail du metteur en scène, du scénographe, du musicien… La langue de cette pièce ne doit pas être facile pour un comédien, c'est un texte plus fait pour la lecture que pour le jeu ? C'est une langue difficile, j'ai beaucoup souffert pour interpréter ce texte. Il y a les compétences du comédien… Il peut tomber amoureux d'un texte comme un homme tombe amoureux d'une femme inaccessible. Mais la passion nous pousse à surmonter tous les obstacles. Et puis, ça a été une gageure pour le dramatiser. Au Maroc, les gens ne lisent pas beaucoup. Ils préfèrent assister à une représentation. Notre représentation peut les inciter dans ce sens à la lecture du texte. Vous n'aurez pas souhaité que ce texte soit traduit en arabe dialectal ? Tant qu'il est écrit en arabe classique, il fallait le jouer. N'oublions pas non plus que l'arabe classique nous ouvre des portes pour se produire dans plusieurs pays arabes. L'arabe dialectal aurait dans ce sens enfermé cette représentation à l'intérieur des frontières de notre pays.