Omar Bendourou parle des deux principaux systèmes de régionalisation et estime que pour mettre la régionalisation à l'abri des conjonctures politiques, il est préférable de l'intégrer dans la Constitution. ALM : Quelle définition peut-on donner à la régionalisation avancée? Omar Bendourou : La réponse à votre question me conduit à me référer aux expériences des pays démocratiques. Ainsi, on constate qu'il existe deux principaux systèmes de régionalisation. Une régionalisation ordinaire et une régionalisation avancée ou spéciale. La première consiste à accorder à la région des pouvoirs administratifs et financiers exercés jadis par le pouvoir central, à l'exception du pouvoir législatif. Autrement dit, la région n'est dotée que d'une autonomie administrative et financière indispensable à la gestion des affaires publiques régionales, comme c'est le cas en France. La seconde qui est une régionalisation avancée ne se limite pas au transfert d'une partie du pouvoir exécutif et financier, mais également d'une partie du pouvoir législatif, comme c'est le cas de l'Espagne et de l'Italie. Ainsi la régionalisation avancée est, à mon sens, celle qui attribue aux régions une autonomie administrative, financière et législative. Comment voyez-vous la régionalisation en tant que réforme institutionnelle profonde? La régionalisation est une réforme qui a été adoptée par des pays démocratiques en vue d'approfondir la démocratie locale et dans certains cas pour répondre aux besoins spécifiques de certaines populations locales qui étaient jalouses de leur indépendance et préféreraient s'autogérer sans l'ingérence directe du pouvoir central. C'est le cas de l'Espagne et de l'Italie qui regroupent plusieurs régions peuplées de populations qui ont leurs propres traditions et parfois leur propre langue. Cette régionalisation était dans une large mesure un moyen de cantonner les sentiments indépendantistes à partir du moment où ces régions disposaient d'une large autonomie leur permettant de gérer leurs propres affaires, ce qui a permis le maintien de ces régions au sein de l'Etat central en réduisant dans certains cas leur tendance pour l'indépendance. Mais ces régions disposent toutefois d'organes élus au suffrage universel direct et de pouvoirs leur permettant de satisfaire les besoins spécifiques des populations concernées. Comment établir un modèle de régionalisation qui soit propre au Maroc? Je pense que la régionalisation au Maroc est un procédé urgent pour adopter d'une part un statut d'autonomie relatif au territoire saharien et introduire d'autre part un système de régionalisation qui soit adapté aux autres régions du pays. Le statut d'autonomie du Sahara tel qu'il a été adopté par le Maroc et publié est clair. Il prévoit une autonomie assez large permettant l'exercice du pouvoir exécutif, financier, législatif, etc. La question qui reste posée est celle relative au statut des autres régions du Maroc. Allons-nous leur accorder les mêmes compétences que celles prévues pour le territoire saharien ? En tout cas, pour qu'il y ait une régionalisation digne de ce nom, il faut qu'elle réponde aux critères suivants : élection au suffrage universel des organes de la région notamment l'organe délibératif, un exécutif issu de l'organe élu, des compétences administratives, financières et pourquoi pas législatives propres à la région, un organe chargé d'assurer l'autonomie de la région et de trancher les conflits qui peuvent surgir entre l'Etat central et les régions. S'agissant des réformes constitutionnelles, elles sont indispensables si on opte pour l'autonomie du Sahara tel que prévu par le projet officiel d'autonomie. En tout cas, il me paraît préférable d'intégrer la régionalisation dans le texte constitutionnel pour lui accorder une garantie constitutionnelle et la mettre à l'abri des conjonctures politiques.