Sur une proposition intéressée de la droite nationaliste, les Suisses viennent de se prononcer contre la construction des minarets dans leur pays. Par tempérament original, par culture folklorique et par tradition politique, les Suisses avaient habitué leurs voisins européens à des pratiques référendaires sur les sujets les plus fantaisistes, si peu déterminants que cela ne provoquait qu'un froncement de sourcils moqueur. Le référendum suisse s'apparentait à une sortie de dimanche sans enjeux, juste pour le plaisir de taquiner les urnes comme d'autres taquinent le poisson. Mais cette fois, l'onde de choc de la dernière trouvaille helvétique est en train de secouer le Vieux continent entier. Sur une proposition intéressée de la droite nationaliste, les Suisses viennent de se prononcer contre la construction des minarets dans leur pays. Le refus massif de la part des Suisses de construire ces minarets provoqua une énorme surprise. En révélant une insondable peur de l'étranger, ce référendum repose des questions fondamentales sur le traitement d'ensemble que les Européens doivent réserver aux pratiques de l'Islam. Une peur irrationnelle de l'étranger, une phobie sans limite des autres religions, telles paraissent les grandes leçons tirées de ce référendum suisse dont l'esprit commence à déteindre sur d'autres pays. En France, pays où l'Islam est la deuxième religion et qui se targue d'avoir réussi une pacification des rapports entre les religions à travers la création d'un corps représentatif des musulmans de France, la percée suisse a été reprise au vol. Le débat, déjà souterrain et corrosif de la place des musulmans de France, a été brusquement ravivé. Et alors que l'ensemble des éditorialistes de la presse se sont alarmés du message d'intolérance qu'une telle démarche peut engendrer, la classe politique s'est révélée divisée. L'extrême droite par le voix de Marine le Pen, la vice-présidente du Front National, s'est réjouie que ce référendum ait pu démentir le pronostic des élites : «Ces «élites» doivent cesser de nier les aspirations et les craintes des peuples européens qui, sans s'opposer à la liberté religieuse, rejettent les signes ostentatoires que veulent imposer des groupes politico-religieux musulmans, souvent à la limite de la provocation». Dans la littérature xénophobe du Front National, le minaret ainsi que l'appel à la prière du muezzin ont toujours été des symboles forts utilisés par l'extrême droite pour haranguer les foules et les avertir d'une proche invasion de l'Islam de leur territoire. Anticipant le fait, le débat sur les minarets puisse se transporter en France, le secrétaire général de l'UMP, Xavier Bertrand se veut à la fois ferme et rassurant. Tout en reconnaissant qu'il faut «bien évidement des lieux de culte» pour l'Islam, il se pose cette question : «Est-ce qu'il faut modifier nos règles d'urbanisme pour permettre qu'il y ait des minarets d'une certaine taille? Je ne le crois pas». Si la droite et l'extrême droite ont montré leurs réticences aux minarets et une certaine compréhension et solidarité avec les Suisses, un ministre d'ouverture comme Bernard Kouchner qui préside aux Affaires étrangères dans le gouvernement Sarkozy, s'est taillé un joli succès en épousant la vague inverse, avec ce qu'il faut d'indignation et d'ironie : «J'espère que les Suisses reviendront sur cette décision assez vite (…) C'est une expression d'intolérance et je déteste l'intolérance (…) Est-ce que c'est une offense dans un pays de montagnes qu'il y ait une construction un peu plus élevée? » La France, en prise déjà avec un violent débat sur le port de la burka, ou voile intégral, risque d'être entraînée dans le maelstrom suisse. Au-delà des questions d'urbanisme que les minarets suscitent à juste titre, cette affaire peut participer à une radicalisation et une surenchère de certains groupes qui peuvent remettre en cause l'ensemble de la pratique islamique en France.