En France, nous en avons déjà parlé, l'attention d'une partie de l'opinion reste focalisée sur l'acceptation, ou non, du port de la burqa par des femmes musulmanes dans l'espace public. En Suisse, ce sont les minarets qui font débat depuis quelques mois. Le 29 novembre prochain, les citoyens helvétiques seront ainsi invités à participer à un vote sur un texte qui stipule: «La construction de minarets est interdite». Cette «initiative populaire», comme elle est nommée, est présentée par plusieurs responsables politiques, dont une majorité de membres de l'Union démocratique du centre (UDC). D'aucuns voient la dangerosité de l'Islam dans le tissu, d'autres dans la pierre. Les minarets font partie depuis fort longtemps, presque depuis les origines, de l'architecture religieuse musulmane. Des traditions arabes rapportent que le premier édifice méritant ce nom a été édifié dès l'an 665 de l'ère commune, à Bosra, en Syrie. Au Maghreb, c'est le minaret de la mosquée de Kairouan, en Tunisie, qui est réputé être le plus ancien, datant peut-être du début du huitième siècle, en tout cas du neuvième. Au Maroc, nous sommes particulièrement fiers du minaret de notre mosquée Koutoubia, à Marrackech, qui a été construit au douzième siècle et qui constitue un des plus beaux exemples de minaret carré. Mais des minarets, pour quoi faire? Les Suisses à l'origine de la prochaine votation, estiment que ceux-ci veulent témoigner, partout où ils s'élèvent, de la victoire de l'Islam. Ainsi, un minaret construit en terre helvétique, ce serait une preuve de plus de l'avancée «conquérante» de l'Islam. Pour la plupart des musulmans, un minaret indique d'abord, de loin, l'emplacement d'un lieu de prière. Il permet de lancer de manière efficace l'appel aux cinq prières canoniques de la journée. Il incite aussi les regards à se tourner vers le ciel. Rien d'agressif dans tout cela! Aucune volonté de signifier une quelconque «conquête» sur les autres. Mais les musulmans doivent aussi savoir entendre les peurs «des autres», mieux les comprendre pour les dissiper quand il y a lieu qu'elles le soient. Deux mots désignent, en arabe, ce qui est appelé en français «minaret». D'abord le terme « ma'dhana », le plus ancien qui soit attesté, et qui renvoie évidemment à «l'adhan», l'appel à la prière. Et puis, plus récent, le mot «manâra», qui désigne une tour de guet souvent pourvue d'un feu allumé. C'est ce dernier mot qui a donné celui de «minaret». Ces tours de guet sont à rapprocher tout simplement des phares destinés à guider les marins. D'ailleurs, les historiens de l'architecture ont relevé depuis longtemps les affinités entre le célèbre phare de l'Ile de Pharos, près d'Alexandrie, une des «sept merveilles du monde», qui a éclairé les navigateurs pendant dix-sept siècles, et les minarets octogonaux très présents en Syrie comme en Egypte. Selon les aires culturelles ( Maghreb, Machreq, Turquie... ), les minarets ne sont pas semblables. On peut en imaginer qui s'harmoniseront mieux avec les architectures occidentales. L'essentiel est cependant que ces «phares» de la foi restent des phares de piété, de tolérance et de paix.