Le président de la Fédération africaine des études stratégiques, Mohammed Benhammou, estime qu'il y a une compétition entre les grandes puissances sur les richesses de l'Afrique et que cette dernière est un espace vital pour les intérêts du Maroc. ALM : Que représente pour vous votre élection à la tête de la Fédération africaine des études stratégiques ? Mohammed Benhammou: Pour moi, cela représente la confiance dont jouit le Maroc et les académiciens marocains en Afrique. Bien évidemment, mon élection à la tête de la fédération est aussi une opportunité pour moi pour travailler encore plus sur les questions qui touchent le continent africain. La fédération contribue à une meilleure compréhension des réalités africaines. Elle permet à l'Afrique de trouver sa place dans l'ordre international. L'Afrique fait face à certaines menaces. Elle est aujourd'hui un espace où les crises et les conflits sont devenus multiples. Quel est le principal rôle de la Fédération africaine des études stratégiques ? La fédération est un cadre qui regroupe des académiciens spécialisés dans la sécurité et dans le développement. Des professionnels y travaillent également sur les questions stratégiques et géopolitiques. La fédération compte donc deux catégories de personnes : les académiciens et les professionnels, ce qui en fait un espace de réflexion, de débat et d'expertise. Elle est aussi un espace d'analyse et de conseil. Le rôle principal de la fédération est d'accompagner les mutations stratégiques et géopolitiques que connaît le continent. Comme vous savez, les grandes puissances portent un grand intérêt à l'Afrique, pour profiter de plus en plus des richesses de ce continent. Cela a transformé l'Afrique en un espace de compétition entre ces puissances. Des problèmes ont été engendrés par le phénomène de la course vers les richesses et les opportunités. L'Afrique a souffert durant la guerre froide et souffre à nouveau aujourd'hui avec cette nouvelle guerre «silencieuse» qui sévit dans le continent. Il faut parler aussi des problèmes de l'énergie, du terrorisme, des réseaux d'immigration clandestine, des réseaux de trafic d'armes… Les Africains ont intérêt à dessiner leur destin eux-mêmes et ne pas laisser les autres le faire à leur place. Quels sont aujourd'hui les enjeux stratégiques du Maroc en tant que pays du continent africain ? Nous sommes un pays africain et nos racines se trouvent en Afrique. Le Maroc n'a jamais tourné le dos à l'Afrique. L'Afrique est un espace vital pour nos intérêts. Notre pays a toujours épousé les questions africaines. Nous avons un rôle à jouer en tant que pays appartenant à l'Afrique, et nous devons le jouer pleinement. Notre profondeur stratégique est à la frontière d'une zone très sensible, à savoir la zone sahélo-saharienne. Il y a aussi les zones désertiques où malheureusement les frontières sont perméables, et représentent des refuges pour les groupes de trafiquants de drogue et de trafiquants d'armes. Nous sommes concernés par le développement du continent. Le Maroc accueille aujourd'hui sur son territoire des milliers de Subsahariens. Notre pays gère avec les autres pays d'Afrique le problème de l'immigration clandestine. L'Afrique est un continent de spécificités et de niveaux de développement qui différent d'une zone à une autre. Le continent africain est un espace économique large. Le poids démographique y est important. L'Afrique bénéficie d'une position géostratégique incontournable. C'est le continent de l'avenir. Bio express Mohammed Benhammou est un ancien élève de l'École nationale d'administration (E.N.A) de Paris. Il est aussi diplômé de l'Université de Montpellier et titulaire d'un doctorat d'État en droit, d'un diplôme de Sciences politiques. Il a aussi obtenu le diplôme de l'École nationale d'administration publique de Rabat. Enseignant à l'Université Mohammed V d'Agdal à Rabat, Mohammed Benhammou est expert international dans les questions sécuritaires et de terrorisme. Il est également directeur du Centre marocain d'études stratégiques (CMES). Ex vice-président de l'Organisation internationale «Formateurs sans frontières» , il a également occupé le poste de président du centre Lyoussi pour les études et recherches politiques et a été membre fondateur du Réseau méditerranéen pour la démocratie et du Réseau des démocrates arabe.