Le village chrétien a été mis à feu et à sang. Neuf personnes ont été tuées, dont deux enfants, et des dizaines de maisons incendiées. Ce n'est pas la première fois que pareil événement se produit. L'information a peu retenu l'attention des médias internationaux. Elle est passée complètement inaperçue dans les pays musulmans, à l'exception du Pakistan. Les faits se sont déroulés le 30 juillet dernier dans un village de chrétiens pakistanais, près de Godra, province de Faisalabad, au Penjab oriental. Ce jour-là une famille chrétienne célébrait un mariage. Selon la coutume, à la fin de la cérémonie qui s'était déroulée dans l'église, les invités ont lancé aux mariés des fleurs, du riz, des pièces de monnaie et aussi des papiers portant des phrases amicales ou des prières. Des musulmans sont alors arrivés, qui ont prétendu que les papiers utilisés étaient des pages arrachées du Coran. C'était une affirmation mensongère, mais elle a été prise pour vraie par une partie de la population. Une folie meurtrière s'est emparée de certains. Le village chrétien a été mis à feu et à sang. Neuf personnes ont été tuées, dont deux enfants, et des dizaines de maisons incendiées. Ce n'est pas la première fois que pareil événement se produit. Dans la même région, c'est le quatrième pogrom anti-chrétien qui a lieu depuis 1997. Le prétexte des violences est presque toujours une accusation d'offense contre le Coran ou le Prophète Mohammad. Les adversaires des chrétiens prennent appui sur une loi pakistanaise qui prévoit des peines très lourdes, jusqu'à la prison à vie, pour qui se livre à ces offenses. La dénonciation est facile à lancer. Depuis 1986, cette accusation a frappé près d'un millier de chrétiens, dont vingt-cinq ont été assassinés par des fanatiques. Les tribunaux reconnaissent souvent l'innocence des accusés, mais après que ceux-ci ont fait parfois plusieurs années de prison. On le sait: le Pakistan a été créé artificiellement en 1947, au moment de l'indépendance de l'Inde, quand certains parmi les musulmans de ce sous-continent ont eu peur d'être gouvernés par les hindous et ont voulu un «pays des purs» (c'est le sens du nom ourdou «Pakistan» ) qui n'appartienne pas à l'Union indienne. Il y avait cependant quelques chrétiens, hindous et bouddhistes, sur le territoire retenu pour cette nouvelle nation. Ainsi, aujourd'hui, le Pakistan compte environ trois millions de chrétiens, dont la moitié de catholiques, sur une population totale de cent-soixante millions d'habitants. Il ne s'agit pas, généralement, de familles récemment converties au christianisme. Beaucoup de ces chrétiens le sont depuis plusieurs siècle. La Constitution prévoit le respect des minorités religieuses non-musulmanes, mais cela est devenu de plus en plus formel, avec la montée en puissance des courants extrémistes musulmans. Les chrétiens sont souvent accusés d'avoir la même religion que les soldats américains qui interviennent en Afghanistan, et d'être, de ce fait, des ennemis de l'Islam. Doit-on s'émouvoir pour quelques chrétiens pakistanais tués, dans un monde où il y a chaque jour plusieurs milliers de personnes qui meurent en raison des guerres qui ensanglantent la planète? L'Islam des origines a eu le souci de respecter les minorités, en particulier les personnes qualifiées par le Coran de « gens du livre »: juifs, chrétiens et sabéens. Quand ce droit d'exister comme minoritaires n'est plus respecté, alors l'Islam perd de son âme.