En marge de la présentation des résultats d'une enquête sur «Les Marocains et les migrants subsahariens : quelles relations ? », Mohamed Khachani fait l'état des lieux de la situation des Subsahariens au Maroc. ALM : Votre atelier a été organisé après la publication du rapport du Groupe antiraciste d'accompagnement et de défense des étrangers et migrants. Quelle lecture en faites-vous ? Mohamed Khachani : Il est vrai que le racisme existe dans toutes les sociétés. Mais, il faut nuancer. Ainsi, une société est raciste quand la majorité se déclare raciste. Au Maroc, la majorité estime que la présence des Subsahariens dans les quartiers est normale. Donc, il n'y a pas de rejet. Concernant le logement dans la même maison qu'un Subsaharien, la majorité ne voit pas d'inconvénients à cet égard. Par ailleurs, le rejet ne concerne pas la race, mais plutôt le mode de vie (cuisine, tapage …), la religion et les moyens matériels. Nonobstant, il y a des femmes qui acceptent de se marier avec des Subsahariens. S'agissant du marché de l'emploi, les gens acceptent que les Subsahariens travaillent même si cela est interdit par la loi. Le secteur agricole, les services domestiques et le bâtiment font de plus en plus appel à cette main-d'œuvre. Les Subsahariens estiment qu'ils font l'objet de rejet par les Marocains. Que pensez-vous de cette mentalité ? Et que peut-on faire pour la changer ? C'est en imposant un discours, à travers les prêches, la radio et la wtélévision, qu'on peut changer les mentalités. 34% considèrent que les ONG peuvent contribuer au changement de mentalité. Mais la radio et la télé demeurent les meilleurs moyens pour sensibiliser les Marocains sur la situation des Subsahariens, car elles violent les intimités au Maroc et ailleurs. Quelles sont les actions à entreprendre par le gouvernement pour réglementer la situation des Subsahariens ? Le recrutement doit être toléré et non sanctionné même si l'on n'élabore pas de loi dans un premier temps. Certes, il est difficile d'autoriser le recrutement sans autorisation du ministère de l'Emploi. Mais les besoins du marché inciteront à autoriser l'emploi des Subsahariens en assouplissant les procédures en la matière. A l'instar de la politique migratoire française, peut-on parler d'immigration sélective dans le rang des Subsahariens ? Nous ne sommes pas arrivés à ce niveau. 16,1% des Subsahariens ont un niveau supérieur. L'immigration est un gâchis pour leur pays. Ceux-ci sont riches, mais ils sont classés parmi les pays les moins avancés à cause de leur gouvernance catastrophique. C'est pourquoi, il faut rectifier certains problèmes à cet égard. Le Maroc, quant à lui, doit réfléchir à ses intérêts géopolitiques. L'Afrique c'est l'histoire et l'actualité. C'est pour cela que le Maroc doit sauvegarder les relations avec l'Union africaine. Votre atelier a été organisé en collaboration avec la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge (FICR). Comment a-t-elle estimé le travail ? La Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge est satisfaite du travail. Elle souhaite que ce travail se poursuive. La prochaine action se concentrera sur l'opération de sensibilisation des Marocains à la situation des Subsahariens.
L'étude en bref L'enquête a été réalisée dans six villes se démarquant par une forte présence de subsahariens en transit au Maroc (Casablanca, Rabat, Tanger, Oujda, Nador et Bouarfa). Elle s'est déroulée entre juillet et août 2008. 1000 personnes ont été interviewées. Il ressort de cette enquête que 16% sont d'origine nigériane, tandis que les autres nationalités représentent 13%. Ce sont les filles qui poursuivent leur projet migratoire, ainsi leur nombre a atteint 73%. 95,4% de migrants Subsahariens ont moins de 36 ans. En outre, 82 % des Subsahariens sont célibataires, alors que les personnes mariées ne représentent que 15%. Concernant leur niveau d'étude, 48,5% des interviewés ont un niveau supérieur au primaire. Or, seulement 16,1% ont un niveau supérieur. 68% ont un diplôme bien qu'il ne soit pas supérieur, alors que 40% n'ont aucun diplôme. Quant à la durée moyenne de séjour au Maroc, elle est estimée à 2,5 ans. S'agissant des ressources, 2,3% ont un travail régulier, 59% déclarent n'avoir aucune ressource, alors que 19% recourent à la mendicité. Par ailleurs, les hommes ont plus d'échange avec les Subsahariens que les femmes. 50% des Marocains estiment que la présence des Subsahariens est une chose normale. 30,1% ne s'opposent pas à la cohabitation avec les Subsahariens. Par contre, 46,9% refusent de cohabiter avec les Subsahariens à cause de leur mode de vie. De surcroît, la religion constitue une raison légitime pour refuser de cohabiter et de se marier avec un Subsaharien.