Les mesures proposées par le président de la première Chambre pour lutter contre l'absentéisme des députés sont inapplicables. Le président de la Chambre des représentants, Mustapha Mansouri, veut lutter contre l'absentéisme des députés. Sur les ondes de la Radio nationale, il a annoncé son intention d'adopter, dès «la saison prochaine», des mesures coercitives à l'encontre des parlementaires qui s'absentent sans justification. Selon M. Mansouri, ces mesures vont aller de la publication des noms des députés concernés au Bulletin officiel jusqu'au prélèvement sur leurs «salaires». Pour lui, ces deux mesures, entre autres, permettront de lutter contre le phénomène de l'absentéisme parlementaire et permettre de redynamiser l'action parlementaire. Toutefois, les deux propositions que le président de la première Chambre a exposées, expliquées et justifiées durant l'émission, se heurtent à des problèmes d'inapplicabilité, d'inefficacité et d'inconstitutionnalité même. La publication de la liste des députés absents au Bulletin officiel est une mesure qui n'aura aucun impact. Car, si la finalité de la mesure est de dénoncer le député à ses électeurs en leur disant que l'homme pour qui ils ont voté ne se rend pas au Parlement, ce qui est censé les pousser à ne plus voter pour lui, cela ne marchera pas. Dans la réalité politique marocaine, les électeurs préfèrent le député qui reste tout le temps dans sa circonscription et qui est accessible à ses habitants pour régler leurs problèmes personnels, administratifs… Qu'il soit tout le temps à Rabat, au sein du Parlement, n'est pas ce que cherchent les électeurs. Donc le fait qu'il s'absente du Parlement, n'affectera pas son assiette électorale. Les prélèvements sur les «salaires» posent aussi problème. D'abord, parce que le député n'est pas un salarié du Parlement. C'est quelqu'un qui a été mandaté par les électeurs pour les représenter au sein de l'institution législative. Et il reçoit des «indemnités» et non pas un «salaire». L'équation «travail = salaire» ne s'applique pas dans ce cas. Car, aucun texte ne définit une tâche précise que le député est censé accomplir pour « recevoir un salaire ». Et, constitutionnellement, il serait une violation de l'esprit de la loi que de vouloir réduire un représentant de la nation à un statut de salarié qui vient chaque jour pointer au Parlement pour recevoir un salaire à la fin du mois. En plus, et c'est là, probablement, que réside le problème, la majorité des députés marocains ne sont pas des politiciens professionnels. Le plus souvent, ils ne vivent pas de ce que M. Mansouri appelle un «salaire». Sanctionner l'absence à travers les prélèvements sur «salaires» est donc une chose qui est juridiquement très difficile à mettre en œuvre et qui n'aura aucun effet. Tant que la politique demeure une activité subsidiaire des politiciens marocains, il sera très difficile de professionnaliser l'action parlementaire et l'absentéisme sera difficile à combattre.