Le suicide chez les adolescents continue d'être un sujet tabou. Faute de statistiques et d'étude sur le sujet, il est difficile d'en cerner l'ampleur. Si bon nombre de jeunes s'intègrent sans problème dans la société en y éprouvant le goût de vivre, d'autres peinent à y trouver leur place. Le suicide, le 5 février dernier d'un jeune adolescent du Lycée Lyautey à Casablanca soulève un tabou dont on ne parle que très rarement au Maroc. Interdit par la religion, les Marocains sont gênés d'en parler. «Le suicide continue d'être camouflé par la famille, la société. Il est considéré comme un accident par la famille du suicidé», affirme Pr Jallal Taoufik, psychiatre et directeur de l'hôpital psychiatrique Arrazi. Contrairement à certains pays tels que le Japon, la France ou les Etats-Unis, le suicide est peu fréquent au Maroc. Faute de statistique et d'étude sur le sujet, il est impossible de savoir à combien s'élève le nombre de cas de décès ou de tentatives de suicide. La grande majorité des tentatives de suicide ont lieu durant l'adolescence, une période de profond bouleversement physique et psychique. Pourquoi des jeunes qui ont toute la vie devant eux sont-ils si désespérés au point de mettre fin à leur jour ? Difficile de donner une explication à cette question. Le désespoir constitue la caractéristique principale des adolescents qui mettent fin à leur vie. La tentative de suicide est un appel de détresse du concerné qui veut exprimer un malaise. «La grande majorité des tentatives de suicide témoigne d'une souffrance chez l'adolescent, d'un appel au secours à ses proches», explique Pr Taoufik. Dans la plupart des cas, les jeunes tentent de se suicider non pas parce qu'ils veulent mourir mais parce qu'ils veulent vivre mais ne savent ni pourquoi, ni comment. Selon ce psychiatre, les causes sont multiples. «Les troubles de l'humeur comme le trouble bipolaire sont très fréquents. Cette maladie présente des périodes de dépression grave suivies de périodes d'euphorie. Il faut aussi relever la schizophrénie qui représente un risque élevé de suicide ainsi que l'usage de drogue notamment les hallucinogènes et l'abus d'alcool». Notons qu'une personne voulant se suicider affiche certains signes annonciateurs d'un mal-être. Changements physiques (troubles du sommeil et de l'appétit…), isolement, perte de l'estime de soi, référence à la mort ou au suicide oralement ou par écrit, tristesse constituent les principaux signes. Bon nombre de personnes pensent que si une personne parle de suicide, elle ne passera jamais à l'acte. Ce qui est faux. «Parler de suicide est bien au contraire un signal d'alarme qui signifie qu'une personne est en danger. Celle-ci doit être prise au sérieux», indique Pr Taoufik avant d'ajouter que: «les personnes qui tentent de se suicider doivent être examinées par des psychiatres qui seuls seront en mesure de prescrire un traitement». Bien que le soutien des proches est primordial pour aider l'adolescent à s'en sortir, il faut des infrastructures spécialisées où le patient pourra être suivi. Mais le problème est là. Celles-ci n'existent pas. Quant aux psychiatres, ils ne sont que 350 pour une population de 31 millions d'habitants. Il est temps pour les acteurs de la santé, de l'éducation nationale et de la société civile de franchir le pas.