Abdelkader Amara, membre de la délégation parlementaire marocaine ayant récemment visité Gaza, reconstitue les péripéties de ce déplacement du côté palestinien. ALM : Comment évaluez-vous l'initiative des représentants de la nation de se rendre à Gaza au lendemain de la fin de la guerre ? Abdelkader Amara : C'était vraiment une très bonne initiative. La délégation parlementaire marocaine a été la première dans le monde arabo-musulman à se rendre à Gaza. Le Maroc, sous l'égide de SM le Roi Mohammed VI, a toujours fait preuve de solidarité et de soutien au peuple palestinien. C'est une initiative qui a eu un écho très positif sur le plan international et qui nous a permis, en tant que délégation officielle représentant le Parlement marocain, d'exprimer notre soutien profond à la cause palestinienne et notre dénonciation claire de l'agression abjecte perpétrée par l'armée israélienne contre la bande de Gaza. Quel genre de difficultés avez-vous rencontrés durant votre voyage ? La délégation marocaine qui s'est rendue à la bande de Gaza est une délégation officielle représentant les différentes sensibilités du Parlement. Cette visite a fait l'objet d'une coordination entre les ministères marocain et égyptien des Affaires étrangères. Arrivés à El Arich en Egypte, nous nous attendions à ce que l'on soit accueillis par une délégation officielle. Il n'en fut rien. Nous nous sommes rendus à Rafah et là c'était pire. Sur le point de passage vers Gaza, il y avait tout simplement quelques soldats égyptiens. Cela ressemblait en quelque sorte à une prison. Nous nous sommes présentés devant ces soldats et ils nous ont interdits, dans un premier temps, de franchir la frontière sous prétexte qu'ils n'étaient pas au courant, qu'ils n'ont reçu aucun ordre à ce propos, et qu'on devait au préalable aviser les services de renseignements égyptiens. Nous leur avons dit que c'était contraire aux coutumes diplomatiques et que l' affaire était réglée préalablement entre le ministère marocain des Affaires étrangères et son homologue égyptien. Mais cela n'était pas entendu de cette oreille. On a donc organisé un sit-in devant le point de passage et vers 16h nous sommes revenus à El Arich. Le jour d'après, c'était la même chose. Mais cette fois-ci, nous avons entamé des discussions avec des responsables et nous avons enfin réussi à rejoindre le côté palestinien de Rafah. Pourquoi, à votre avis, les autorités égyptiennes vous ont-elles empêchés de pénétrer à Gaza ? Je n'en sais absolument rien. C'est vraiment étrange de la part d'un pays avec lequel nous avons toujours entretenu de très bonnes relations. Cet acte d'interdiction est vraiment une honte. Je vous précise que deux députés du parti de l'Istiqlal ont essayé de nous rejoindre à Gaza mais d'après ce qui m'a été communiqué, ils étaient interdits à leur tour de franchir les frontières. Plusieurs autres délégations parlementaires ont également été interdites. C'était le cas également de médecins turcs et malaisiens. Une fois arrivés à Gaza, qu'avez-vous fait ? Nous avons rencontré plusieurs responsables palestiniens. Parmi ces derniers, figurent trois ou quatre députés, le ministre des Affaires sociales et le ministre de la Justice du gouvernement démis et le premier vice-président du Conseil législatif palestinien. Pour des raisons sécuritaires, nous n'avons pas rencontré les hauts responsables du Hamas. Nous avons visité plusieurs endroits dans la bande de Gaza. Il s'agit des postes de police détruits par l'assaut israélien, le Conseil législatif palestinien, le siège de l'UNRWA et l'hôpital d'Al-Qods. Au terme de notre visite, nous avons assisté à une conférence de presse. Lors de cette conférence, les responsables palestiniens ont surtout salué les initiatives prises par SM le Roi Mohammed VI en faveur de la population de Gaza, notamment l'acheminement des aides humanitaires nécessaires et l'envoi des médecins. Ils étaient également très reconnaissants à l'égard du soutien accordé par le peuple marocain. Qu'est-ce qui a attiré votre attention durant la visite de Gaza ? Certes, nous étions étonnés par l'ampleur des destructions à Gaza. Les images de dévastation en disaient long sur la cruauté de l'attaque israélienne perpétrée contre ce territoire. Mais ce qui nous a le plus étonnés, c'était le fait que malgré l'agression et le grand nombre de victimes, les Palestiniens ont gardé le moral. Ce ne sont pas des gens qui demandent les dons. C'est un peuple qui veut vivre libre. Tous les points de passage vers la bande sont fermés. Le peuple palestinien ne peut pas vivre sous le siège. Le peuple palestinien revendique une vie digne et une liberté ni plus ni moins.