En arrivant à Paris, au terme de sa tournée proche-orientale, George Mitchell visait manifestement à tenir informée la diplomatie française de ses premières constatations. Alors qu'on le disait plongé dans une lourde tentative de retisser un dialogue entre le gouvernement et les partenaires sociaux au lendemain de l'imposante manifestation de protestation nationale du 29 janvier, voilà que Nicolas Sarkozy entrouvre une parenthèse diplomatique extrêmement fournie avec l'ambition affichée de recadrer l'approche diplomatique française de la crise du Proche-Orient. Les mauvaises langues et autres incurables jaloux pourront toujours mettre cette hyperactivité sur le compte de l'hyper présidence d'un homme capable d'accorder un entretien avec la même intensité aussi bien à un obscur responsable syndical qu'à un acteur majeur de la grand crise du Proche-Orient. Pourvu que cela cadre avec un objectif de communication revendiqué, celui d'occuper le terrain à tout prix. La séquence diplomatique parisienne d'hier lundi était segmentée en trois temps destinés à donner une nouvelle cohérence et une plus grande visibilité à cette nouvelle approche diplomatique française. Le premier temps fut la rencontre, la première du genre, entre l'envoyé spécial de Barack Obama au Proche-Orient George Mitchell et le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner. George Mitchell venait de terminer une tournée très suivie au Proche-Orient qui lui a permis de visiter des contrées comme l'Egypte, Israël, Ramallah, la Jordanie et l'Arabie Saoudite. Objectif premier de cette visite : un premier contact avec les principaux acteurs de la région pour écouter leurs doléances et leur faire parvenir les attentes de la nouvelle administration américaine. En posant le pied à Paris, au terme de cette tournée, George Mitchell visait manifestement à tenir informée la diplomatie française de ses premières constatations. D'autant qu'il n'aura échappé à personne que l'étape syrienne a été soigneusement évitée pour cette première grande tournée de l'émissaire américain. Or, il se trouve que Nicolas Sarkozy, qui entretient d'excellentes relations avec le président syrien Bachar Al Assad, vient de dépêcher à Damas le sénateur UMP Philippe Marini dans une mission «d'études, d'analyse et de contacts» sur le Proche-Orient. Ce qui laisse présager qu'outre de tenir informé un allié européen important de la nouvelle stratégie de la Maison-Blanche, George Mitchell, le célèbre artisan des accords de paix entre Irlandais, glanera à Paris quelques informations sur l'état d'esprit et les disponibilités des autorités syriennes. Le second temps diplomatique de cette journée fut la réception à l'Elysée du Premier ministre du Qatar et ministre des Affaires étrangères, cheikh Hamad Ben Jassem Al-Thani. Entre Nicolas Sarkozy et l'émir du Qatar, il y a comme une admiration et une fascination pour l'hyperactivisme de ce riche petit Emirat gazier du Golfe. L'amitié entre les deux hommes fut scellée presque publiquement lorsque en juillet 2007, la diplomatie souterraine et relativement peu discrète du Qatar avait aidé à la conclusion d'un deal entre Nicolas Sarkozy et le Rais libyen Mouamar Kadhafi pour la libération des infirmières bulgares et du médecin palestinien. A un moment où même Tony Blair, le président du Quartette estime que les islamistes du Hamas devraient être partie prenante du processus de paix israélo-palestinien, la diplomatie du Qatar sera encore sollicitée pour établir des ponts de communication entre le Hamas et son environnement palestinien et régional. Le Qatar a de précieuses cartes à jouer puisque Doha a été une des rares capitales arabes à exprimer un soutien explicite au Hamas au moment où ce dernier était soumis au pilonnage aveugle de la machine de guerre israélienne. Le troisième temps diplomatique de journée fut la rencontre à l'Elysée entre Nicolas Sarkozy et le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas qui débute par Paris une tournée européenne. C'est un Mahmoud Abbas défié dans son leadership et extrêmement remonté contre le Hamas qui rencontre Nicolas Sarkozy. La veille au Caire, Mahmoud Abbas avait utilisé un langage incendiaire à l'égard du mouvement islamiste palestinien qui propose de penser à une autre légitimité alternative à l'OLP. Mahmoud Abbas est furax : «Ces gens ont risqué la vie du peuple, (...) le sang du peuple, la destinée du peuple, le rêve et l'espoir du peuple d'établir un Etat palestinien indépendant (…) Et pourquoi? En toute franchise, à cause d'agendas qui ne sont pas palestiniens».