Mourad Bekkouri, avocat au barreau de Rabat a suivi de près les dossiers traités par la CSJ. Il livre à ALM ses impressions sur cette Cour. Aujourd'hui le Maroc : Que pensez-vous de la Cour Spéciale de Justice? Mourad Bekkouri : La Cour Spéciale de Justice reste une juridiction d'exception. Elle a été créée dans des circonstances particulières afin de traiter quelques affaires précises du début des années soixante-dix. La majorité des juristes demandent purement et simplement l'abolition de cette Cour, et ce en raison de la procédure adoptée pour le traitement des dossiers dont elle a connaissance. Personnellement et d'après mon expérience, je vois qu'il est nécessaire de revoir le mode de fonctionnement de cette juridiction. Il ne s'agit pas de demander sa suppression mais de subvenir aux lacunes qui sont apparues le long de son fonctionnement. On reproche à la Cour sa lenteur dans le traitement des dossiers ? Justement, cela fait partie des lacunes qu'il s'agit de combler. D'ailleurs, il s'agit de pousser cette Cour à devenir une juridiction de spécialisation comme les tribunaux de commerce et les tribunaux administratifs. Ainsi, pour éviter cette lenteur observée, il faut recourir à des juges d'instruction qui ont accumulé beaucoup d'expérience en ce qui concerne les affaires de dilapidation des deniers publics et la criminalité financière. Certains spécialistes disent que la CSJ est une juridiction politique. Le mot politique est à mettre entre parenthèses dans le sens où c'est le ministre de la Justice en sa qualité de président du Parquet Général, qui déclenche la plainte publique. Dans ce sens, le ministre de la Justice doit, à mon avis, se contenter de ce rôle. Car, il est de notoriété publique que chaque dossier qui est déféré devant la CSJ est accompagné dans la majorité des cas d'un écrit du ministre où il demande, généralement, au Procureur général de mettre quelqu'un en détention préventive. Et là c'est un abus de la part du ministre de la Justice dont le rôle consiste à déclencher la plainte sans plus. C'est le juge d'instruction, une fois l'affaire entre ses mains, qui est habileté à prendre une telle décision.