Quelques heures seulement après la mort de Lansana Conté, Conakry connaissait mardi une tentative de putsch. Un Conseil national pour la démocratie a annoncé la dissolution du gouvernement et de la Constitution. Situation confuse en Guinée. Quelques heures seulement après la mort du président Lansana Conté, qui exerçait depuis 24 ans un pouvoir sans partage à la tête de ce petit pays d'Afrique de l'Ouest, Conakry connaissait mardi une tentative de putsch: un Conseil national pour la démocratie a annoncé la dissolution du gouvernement et de la Constitution, ensuite démenti par le Premier ministre. Arrivé au pouvoir à la faveur d'un putsch en 1984, Lansana Conté est mort lundi soir, a annoncé mardi vers 2h du matin le président de l'Assemblée nationale Aboubacar Somparé lors d'une allocution télévisée. Lansana Conté, dont l'âge jamais établi exactement était évalué à 74 ans, était malade depuis longtemps. M. Somparé a appelé lors de son allocution la Cour suprême guinéenne à constater la vacance du pouvoir et à faire respecter la loi, tandis que le Premier ministre Ahmed Tidiane Souare demandait à l'armée, dans son intervention télévisée aux côtés d'Aboubacar Somparé et du chef des armées, de sécuriser les frontières du pays. Mais vers 7h30 du matin, le porte-parole, en uniforme, d'un Conseil national pour la démocratie, est apparu à la télévision pour annoncer la dissolution des institutions. On ignore si cet homme, présenté par la télévision comme le capitaine Moussa Camara, est le leader du putsch ou son simple porte-parole. «La Constitution est dissoute. Le gouvernement est dissous. Les institutions de la République sont dissoutes (...) A partir de maintenant, le Conseil prend en charge les destinées du peuple guinéen», a-t-il déclaré. Des élections présidentielles seront organisées prochainement, a-t-il ajouté sans autres précisions. Mais le Premier ministre Ahmed Tidiane Souare est, par la suite, à nouveau intervenu sur les ondes lors d'une allocution radio-diffusée, démentant la dissolution du gouvernement. Il a affirmé qu'il s'exprimait depuis son bureau et que son cabinet continuait à fonctionner «comme il devait». Le capitaine Camara avait par ailleurs ordonné à la population de ne pas sortir, et convoqué les membres de l'ex-gouvernement à la caserne Alpha Yaya Diallo. On ne disposait pas de plus amples informations dans l'immédiat, mais la capitale Conakry semblait calme dans la matinée. Un reporter de l'Associated Press a vu des blindés et des soldats faire mouvement vers la présidence. Lansana Conté était arrivé au pouvoir en 1984 à la faveur d'un putsch, fomenté une semaine tout juste après la mort du premier président guinéen, Ahmed Sékou Touré. En prenant le pouvoir par la force, Lansana Conté a mis fin au socialisme révolutionnaire de son prédécesseur. Mais, comme ce dernier avant lui, il a supprimé toute dissidence. A l'heure du début du multipartisme en Afrique, il a formé un parti politique et organisé en 1993 les premières élections multipartites du pays. Il a été ensuite élu, puis réélu en 1998 et en 2003. L'opposition a à chaque fois dénoncé des élections truquées. Ancienne colonie française, la Guinée a connu de nombreux tentatives de putsch depuis son indépendance en 1958. Emeutes et mutineries se sont multipliées au cours des deux dernières années. La mainmise de Lansana Conté sur le pouvoir dépendait en grande partie de la loyauté de l'armée et le gouvernement avait cédé en mai dernier aux demandes d'augmentation de solde des militaires, qui menaçaient de recourir à la violence. En 24 ans de pouvoir autoritaire, qui avaient pris le relais du régime encore plus fermé et paranoïaque de Sekou Touré, les Guinéens se sont enhardis à défier de plus en plus ouvertement le régime, en particulier les deux dernières années, participant en masse aux grèves lancées par les syndicats, contestant de plus en plus un régime corrompu et réclamant la démission de Lansana Conté.